L’océan Austral reçoit beaucoup plus de fer de sources anthropiques | Polarjournal
On ne le voit pas, mais l’océan Austral est hautement productif grâce à une disponibilité généralement bonne de ce micronutriment qu’est le fer. Photo : Julia Hager

La production primaire dans l’océan Austral dépend de manière décisive de la concentration en fer, un micronutriment. Ce n’est que lorsque le fer est disponible en quantité suffisante que des « efflorescences d’algues » peuvent se développer pendant les mois d’été, ce qui profite à son tour au zooplancton (krill) et, par la suite, aux manchots, phoques, baleines et oiseaux de mer. Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que l’apport en fer provenait presque exclusivement de sources naturelles. Dans une étude récente, des chercheurs japonais ont toutefois découvert que l’origine humaine du fer n’était pas limitée à environ 10 % comme on le pensait, mais qu’elle était bien plus importante.

Le fer est transporté sur de longues distances sous forme de poussières qui pénètrent dans l’atmosphère par les continents, atteignant ainsi l’océan Austral. Mais la poussière ne contient pas seulement du fer provenant de sédiments naturels, mais aussi de sources anthropiques, la combustion d’énergies fossiles notamment qui libère du fer dans l’atmosphère.

L’étude dirigée par les professeurs Hitoshi Matsui et Mingxu Liu de la Graduate School of Environmental Studies de l’Université de Nagoya, au Japon, en collaboration avec des scientifiques de l’Université de Cornell et de l’Université du Colorado, a révélé que l’apport en fer d’origine humaine pourrait être jusqu’à dix fois supérieur à ce que l’on pensait jusqu’à présent. Leur étude a été publiée dans la revue npj Climate and Atmospheric Science.

En combinant des données issues de mesures effectuées par des avions avec un modèle atmosphérique global, les chercheurs ont découvert que le fer produit par l’homme contribuait de manière significative à la fertilisation de l’océan Austral, avec un pourcentage pouvant atteindre 60%. Dans les études précédentes, l’apport anthropique était donc considérablement sous-estimé, avec seulement dix pourcent.

Les diatomées (ou Bacillariophyta), et autres organismes phytoplanctoniques, ont besoin de fer pour la photosynthèse. S’il y en a trop peu, il y aura moins de phytoplancton capable d’absorber le CO2 de l’atmosphère. Photo : Julia Hager

Selon le modèle, l’apport de fer dans l’océan Austral devrait toutefois diminuer considérablement à l’avenir en raison de la réduction prévue des émissions de carbone. Cela pourrait avoir des conséquences inattendues sur le climat mondial, car le plancton végétal ne se développerait plus aussi bien en raison du manque de fer et fixerait donc moins de carbone de l’atmosphère.

« Le fer est un micronutriment crucial pour le maintien de la croissance du phytoplancton et de la production primaire dans l’océan Austral, où il module la teneur atmosphérique en CO2 », a déclaré le Dr Matsui. « Une diminution potentielle de la disponibilité du fer, associée à un renforcement des contrôles des émissions mondiales de combustibles fossiles au cours des prochaines décennies, pourrait limiter le stockage du carbone dans les écosystèmes marins et même aggraver le réchauffement climatique ».

Le grand objectif de la communauté mondiale pour les décennies à venir est de réduire drastiquement les émissions mondiales de combustibles fossiles et d’atteindre la neutralité carbone. Cependant, les dernières conclusions de l’étude exigent que les futurs modèles prennent pleinement en compte le rôle des sources anthropiques de fer dans l’océan Austral.

Julia Hager, PolarJournal

Lien vers l’étude : Mingxu Liu, Hitoshi Matsui, Douglas S. Hamilton et al. The underappreciated role of anthropogenic sources in atmospheric soluble iron flux to the Southern Ocean. npj Climate and Atmospheric Science, 2022 ; 5 (1) DOI : 10.1038/s41612-022-00250-w

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