Nouvelle carte : le fond marin de l’océan Austral | Polarjournal
Pour établir cette nouvelle carte topographique du fond marin de l’Antarctique, d’innombrables mesures de sondage en éventail ont été effectuées par des navires de recherche comme le Polarstern. Photo : Folke Mehrtens

La nature des fonds océaniques détermine en partie la manière dont les masses d’eau et les courants se déplacent dans les océans et influencent notre climat. La diversité de la vie marine est également influencée par les structures des fonds marins. C’est pourquoi il est indispensable de disposer d’informations aussi précises que possible sur la topographie du sol pour la recherche en sciences marines et climatiques. Avec la deuxième version de l’International Bathymetric Chart of the Southern Ocean (IBCSO v2), un groupe de recherche international, dirigé par l’Alfred Wegener Institute, a présenté une meilleure carte des sols de l’océan Austral, qui joue un rôle-clé dans le système Terre, et la plus détaillée à ce jour. Cette carte et sa méthodologie complexe de développement ont été publiées dans la revue scientifique Scientific Data de Nature.

Autour du continent antarctique s’étend l’océan Austral, une région-clé pour le système terrestre et le climat mondial. Le courant circumpolaire antarctique, poussé par de forts vents d’ouest – les fameux « Roaring Fourties » – est ici l’élément central de liaison de la circulation thermohaline mondiale et influence ainsi les courants marins dans le Pacifique, l’Atlantique et l’océan Indien. De plus, les eaux froides de l’océan Austral absorbent des quantités gigantesques de CO2 et de chaleur de l’atmosphère, tamponnant ainsi temporairement une partie des effets négatifs du changement climatique provoqué par l’Homme. De plus, c’est un lieu de haute productivité biologique qui abrite une biodiversité unique.

Malgré cette grande importance, dans l’océan Austral – comme dans d’autres océans – relativement peu de régions du fond marin ont été mesurées et cartographiées en détail jusqu’à présent. Les données satellites fournissent certes une image couvrant l’ensemble du territoire, mais avec une résolution relativement grossière. Actuellement, les données à haute résolution ne peuvent être enregistrées que par des navires. Ce qui a notamment pour conséquence que des navires de recherche comme le brise-glace Polarstern, qui effectue des mesures de sondage en éventail dans l’océan Austral, tombent régulièrement sur des points forts topographiques jusqu’alors inconnus, comme une montagne sous-marine de 1920 mètres de haut, qu’ils ont baptisée « Madiba Seamount », en référence au surnom de Nelson Mandela.

Sous la direction de l’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine, la nouvelle carte a été élaborée dans le cadre d’un projet international auquel ont participé 88 institutions de 22 pays. Carte : Dorschel et al., (2022) The International Bathymetric Chart of the Southern Ocean Version 2, Scientific data, https://doi.org/10.1038/s41597-022-01366-7 ; graphique : Simon Dreutter

« Où que l’on aille ou que l’on travaille, on a besoin d’une carte pour s’orienter. C’est pourquoi pratiquement toutes les disciplines des sciences marines dépendent de cartes détaillées des fonds marins », explique le Dr Boris Dorschel-Herr, responsable de la bathymétrie à l’Institut Alfred Wegener, Centre Helmholtz de recherche polaire et marine (AWI). « Par exemple, la topographie du sol dans l’océan Austral est également décisive pour la compréhension de nombreux processus liés au climat. Des masses d’eau chaude s’écoulent par exemple dans de profonds chenaux du plateau continental jusqu’aux barrières et glaciers de l’Antarctique et influencent leur fonte. Inversement, l’écoulement des glaciers et la stabilité des calottes glaciaires dépendent largement de la nature du sous-sol. Avec IBCSO v2, nous fournissons désormais la meilleure image de l’océan Austral et la plus détaillée à ce jour ».

L’International Bathymetric Chart of the Southern Ocean (IBCSO) est un projet international de cartographie de l’océan Austral coordonné par l’AWI. Dès 2013, une première grille de données IBCSO (IBCSO v1) a été publiée avec une carte à haute résolution pour la zone située au sud de 60°S. Cette carte a été utilisée par l’IBCSO pour la première fois. Au cours des années suivantes, la quantité de nouvelles données de mesure a considérablement augmenté.

Depuis 2017, IBCSO fait partie du Nippon Foundation – GEBCO Seabed 2030 Project, qui s’est fixé l’objectif ambitieux de mesurer les océans du monde d’ici 2030. « La nouvelle version d’IBCSO – IBCSO v2 – pour l’océan Austral couvre désormais, en haute résolution de 500 par 500 mètres, toute la zone située au sud du 50e parallèle – soit une surface de fonds marins 2,4 fois plus importante que la première version », explique Boris Dorschel-Herr. « Ainsi, le courant circumpolaire antarctique et les ‘gateways’ océanographiques essentielles à sa compréhension – le passage de Drake et le passage de Tasmani – sont désormais entièrement inclus. Plus de 25,5 milliards de mesures ont été intégrées à la carte, fournies par 88 institutions de 22 pays ».

La grille de données et une carte à haute résolution de l’océan Austral sont disponibles gratuitement en ligne sur le site du projet www.ibcso.org et sur https://doi.org/10.1594/PANGAEA.937574 pour téléchargement.

Communiqué de presse de l’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine

Lien vers la publication originale : Boris Dorschel, Laura Hehemann, Sacha Viquerat et al : The International Bathymetric Chart of the Southern Ocean Version 2. Scientific Data (2022), DOI : https://doi.org/10.1038/s41597-022-01366-7

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