Manchots – 60 millions d’années d’évolution reconstituées | Polarjournal
Les manchots papous sont l’une des 27 espèces de manchots qui existent encore aujourd’hui. Plus des trois quarts des espèces de manchots connues ont déjà disparu. Photo : Michael Wenger

Lorsque l’on pense aux manchots, on imagine probablement automatiquement ces oiseaux emblématiques dans l’environnement glacial de l’Antarctique. L’association « manchots = Antarctique » est bien ancrée dans nos esprits, bien que certaines espèces se plaisent également sous les latitudes tempérées et les tropiques. Une nouvelle étude renverse aujourd’hui cette « loi naturelle ». Une grande équipe internationale de 40 chercheurs a reconstitué plus de 60 millions d’années d’histoire de l’évolution et a découvert que les manchots ont évolué bien avant que les calottes glaciaires polaires ne se forment.

Des études phylogénétiques sur les manchots ont déjà été menées à plusieurs reprises, mais elles n’ont examiné que les génomes des espèces qui existent encore aujourd’hui ou, lorsque des manchots fossiles ont été inclus, seulement une partie de leur information génétique. En revanche, cette nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Communications, a analysé pour la première fois les génomes de toutes les espèces de manchots vivantes et récemment éteintes (27 au total) et les a comparés aux données des manchots fossiles (47 espèces). Ce n’est qu’ainsi que l’équipe de recherche a pu reconstituer l’évolution des manchots. Les lignées modernes ne remontent qu’à quelques millions d’années, ce qui laisse dans l’ombre la plus grande partie de l’évolution des manchots qui a commencé il y a 60 millions d’années.

« Plus des trois quarts des espèces de manchots sont aujourd’hui éteintes », a déclaré au New York Times le Dr Daniel Ksepka, paléontologue au Bruce Museum de Greenwich, Connecticut, et co-auteur de l’étude. « Il faut aller voir les fossiles, sinon on n’aura qu’une fraction de l’histoire ».

Des fossiles de manchots disparus depuis longtemps ont été trouvés le long de l’équateur et beaucoup d’entre eux datent d’avant la glaciation du continent antarctique. « Ils ont connu certaines des périodes les plus chaudes de l’histoire de la Terre, quand il faisait cinq degrés de plus à l’équateur », a déclaré Ksepka. « Ils se sont essentiellement développés dans un environnement sans glace ».

Les petits manchots des Galápagos sont aujourd’hui les seuls manchots à vivre sous les tropiques. Photo : Julia Hager

L’étude a révélé que l’évolution des manchots, qui est partie d’Australie et de Nouvelle-Zélande, a été entraînée par des modifications du climat et des courants marins. Dans le patrimoine génétique des manchots, l’équipe de recherche a découvert des signatures qui indiquent qu’il existe une alternance entre de petites populations qui survivent dans des refuges climatiques lorsque les conditions sont partout ailleurs défavorables, et une croissance de la population et une recolonisation lorsque les conditions sont meilleures. Avec la baisse des températures, les manchots ont été repoussés plus au nord et lorsque les températures sont remontées, ils ont migré plus vers le pôle et ont colonisé de nouveaux habitats disponibles.

De plus, les chercheurs ont identifié une série de gènes qui pourraient être responsables des adaptations des manchots lors de leur voyage des tropiques vers l’Antarctique. Il s’agit notamment de capacités telles que la formation d’une couche de graisse pour la thermorégulation, la tolérance à un faible taux d’oxygène lors de plongées profondes, la vision sous l’eau et des facteurs qui contrôlent la taille.

Comparée à d’autres oiseaux, l’évolution des manchots a été très lente, comme l’équipe de recherche l’a également indiqué dans son étude. Ils supposent que les manchots ont développé très tôt et rapidement les principales caractéristiques nécessaires à la vie dans et sous l’eau, et que d’autres adaptations n’ont été ajoutées que par petites touches jusqu’à aujourd’hui. Cela signifie que leur constitution était déjà assez parfaite dès le départ.

De tous les manchots, ce sont les manchots empereurs qui ont évolué le plus rapidement. Photo : Heiner Kubny

« Lorsque la plupart des gens pensent aux manchotns, ils les imaginent vivant sur la banquise et chassés par des léopards des mers, mais les manchots ont évolué en créatures aquatiques avant la formation de la calotte glaciaire polaire ! Au fil du temps, ils ont développé des caractéristiques qui leur ont permis de coloniser un large éventail d’environnements marins, des tropiques à l’Antarctique. Ce travail nous permet d’avancer dans notre compréhension des gènes à la base de ces différentes adaptations », explique le professeur Richard Phillips, écologiste spécialiste des oiseaux de mer au British Antarctic Survey et co-auteur de l’étude.

En conclusion, les scientifiques affirment dans leur étude que leur travail de compréhension des effets des événements climatiques passés sur la taille des populations est essentiel pour comprendre comment leurs populations pourraient réagir aux changements climatiques futurs.

Julia Hager, PolarJournal

Lien vers l’étude : Cole, T.L., Zhou, C., Fang, M. et al. Genomic insights into the secondary aquatic transition of penguins. Nat Commun 13, 3912 (2022). https://doi.org/10.1038/s41467-022-31508-9

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