S’il s’agissait d’une année normale, le lac Geraldine, réservoir de la ville d’Iqaluit, serait presque plein à l’heure actuelle. Cependant, le Nunavut a connu un manque de pluie cet été, ce qui a empêché le service local des eaux de remplir son réservoir, dont le niveau avait commencé à baisser au printemps, alors que la ville était confrontée à des fuites de canalisations, à un incendie de décharge tenace et à des efforts pour purger un système d’eau municipal qui avait été contaminé par du gasoil. La situation a conduit les responsables de la ville à déclarer vendredi l’urgence en matière d’eau et à demander l’autorisation de prendre des mesures qui leur permettraient de remplir le lac Geraldine avant que le gel hivernal ne s’installe.
C’est la troisième fois depuis 2018 qu’Iqaluit déclare une situation d’urgence en matière d’eau, et c’est la plus grave à ce jour. Dans le cadre de cette mesure, les 7 800 habitants de la ville ont été invités à économiser l’eau, mais, pour l’instant, la demande est davantage un signal adressé aux autorités publiques pour leur faire prendre conscience de la gravité de la situation. Il est important de noter que la déclaration d’urgence permet au conseil municipal de demander l’autorisation de pomper davantage d’eau dans la rivière Niaqunguuq (également connue sous le nom de rivière Apex), l’approvisionnement en eau de secours de la ville, et dans le lac Unnamed, une étendue d’eau voisine qui a également été exploitée lors de la crise de l’eau de 2019, ainsi qu’en 2020 et en 2021.
L’acheminement de l’eau sur les trois kilomètres et demi qui séparent le lac Unnamed de la rivière Niaqunguuq s’était déjà produit cette année. Depuis juin, la ville a pompé 200 000 mètres cubes de la rivière Niaqunguuq dans le lac Geraldine. Cependant, le niveau des eaux étant à son plus bas depuis quarante ans, la ville estime qu’elle devra pomper 500 000 mètres cubes dans le lac Geraldine d’ici au mois d’octobre. C’est à peine plus que ce qui a été nécessaire en 2019, lorsque la ville a estimé qu’elle aurait besoin d’environ 400 000 mètres cubes, mais qu’elle a fini par pomper un peu plus. En 2018, la ville a eu besoin de 200 000 mètres cubes provenant de la rivière Niaqunguuq.
Par le passé, le NIRB, l’organisme territorial chargé d’évaluer les incidences environnementales des projets de ce type, a noté que les quantités d’eau qu’Iqaluit demande de pomper dépassent de loin la quantité autorisée en vertu de son accord avec l’administration territoriale, tout en concluant par ailleurs que cela ne causait pas de dommages importants à l’environnement ou à la population.
Bien que cette année soit loin d’être normale, elle a attiré l’attention de la ville sur l’état de son réseau d’eau et sur ce qu’elle peut faire pour réduire sa consommation d’eau. L’un des problèmes – les fuites de canalisations – est déjà pris en compte et pourrait avoir un impact significatif : une étude menée par la ville sur son réseau d’eau a révélé que les pertes d’eau, dues principalement à 45 fuites importantes, représentaient environ 40 % de la consommation d’eau. La ville demande également aux Iqalummiut de faire des économies en évitant de laver leur voiture à la maison et en prenant des douches, et non des bains, pour se laver. En fin de compte, pour résoudre les problèmes d’eau d’Iqaluit, il faudra s’attaquer à la quantité d’eau qui entre dans le réservoir, et non à celle qui en sort.
En effet, le lac Geraldine, un lac artificiel, a été conçu pour contenir suffisamment d’eau pour approvisionner la ville pendant un an. Mais en raison des changements environnementaux et démographiques qui se produisent autour d’elle, la ville ne peut plus s’en contenter. Sur sa capacité estimée à 1,8 million de mètres cubes, environ trois quarts sont utilisés pendant l’hiver. En temps normal, cela fonctionne. Les années où les apports naturels et les précipitations du printemps et de l’été ne suffisent pas à le reconstituer (comme cela a été le cas ces dernières années) ou lorsque la demande est élevée (comme cela a été le cas cette année), la situation est propice à une pénurie. L’augmentation de l’évaporation, le réchauffement climatique et la diminution des précipitations ont rendu cet équilibre de plus en plus difficile à maintenir. Il en va de même pour la population croissante d’Iqaluit. Certes, le nombre d’Iqalummiut a légèrement diminué l ‘année dernière, mais depuis 1977, la population de la ville a quadruplé et, d’ici 2050, elle pourrait utiliser chaque année deux fois plus d’eau ce que le lac Geraldine peut contenir.
Le lac Unnamed pourrait fournir de l’eau à environ 17 000 Iqalummiut, et sa faisabilité a déjà été démontrée, ce qui en fait la solution la plus probable. Si, pour une raison ou une autre, ce projet n’aboutissait pas, la rivière Sylvia Grinnell a également été identifiée comme source possible. Ottawa a promis 214 millions de dollars canadiens (163 millions d’euros) pour aider à financer une solution à long terme, mais il faudra plusieurs années pour régler tous les détails, et encore plusieurs années jusqu’à ce que les travaux soient terminés et qu’un approvisionnement en eau stable redevienne la norme.
Kevin McGwin, PolarJournal
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