Il n’y a probablement pas un seul habitat sur notre planète où les microplastiques n’ont pas encore été détectés. On a même trouvé ces minuscules particules dans la neige de l’Antarctique. Cependant, on sait encore peu de choses sur l’ampleur de l’impact de ces polluants sur les animaux antarctiques. Une nouvelle étude a examiné de près les manchots empereurs (Aptenodytes forsteri) d’une colonie isolée de la région de la Terre de la Reine-Maud et n’a constaté aucune contamination par des microparticules de plastique. L’étude a été publiée dans la revue Science of The Total Environment.
« Aucune preuve d’ingestion de microplastiques chez les poussins de manchots empereurs (…) de la colonie de la baie d’Atka (…) » – tel est le titre de l’article consacré à l’étude. Ce sont des nouvelles extrêmement bonnes, ce qui n’est pas souvent le cas lorsqu’il s’agit de microplastiques. En effet, des microparticules de plastique ont été détectées jusqu’à présent presque partout où elles ont été recherchées, y compris chez d’autres espèces de manchots antarctiques (manchots Adélie, manchots à jugulaire, manchots papous et manchots royaux). Cependant, les études sur les manchots ont été menées dans la région de l’Antarctique où l’activité humaine est la plus intense – autour de la péninsule antarctique – et où les animaux étudiés pourraient être plus affectés par la pollution microplastique locale.
En revanche, la colonie de manchots empereurs de la baie d’Atka, sur la Terre de la Reine-Maud, qui fait l’objet de l’étude actuelle, est située loin des zones de forte activité humaine. Avec environ 9600 individus, la colonie fait partie des dix plus grandes colonies de manchots empereurs. Selon l’équipe de recherche, dont l’auteure principale est Clara Leistenschneider de l’Université de Bâle travaillant avec des scientifiques de l’Institut Alfred Wegener, les manchots empereurs se prêtent particulièrement bien au rôle de bio-indicateurs de la pollution marine régionale, car contrairement aux autres espèces de manchots, ils séjournent exclusivement dans l’océan Austral après leur première année de vie. Durant la période d’élevage des poussins, les parents ne s’éloignent pas de plus de 200 kilomètres de la colonie pour se nourrir. L’analyse du contenu de l’estomac de leurs poussins est donc une méthode appropriée pour détecter les microplastiques dans les masses d’eau régionales et la chaîne alimentaire.
L’équipe de recherche voulait notamment déterminer dans quelle mesure les microplastiques avaient déjà pénétré dans le réseau alimentaire local de la région isolée de la mer de Weddell/Terre de la Reine-Maud. En outre, leur objectif était de détecter les restes durs et indigestes des proies qui pourraient avoir ingéré des microplastiques et les avoir transférés à travers la chaîne alimentaire.
L’équipe a examiné le contenu du gésier de 41 poussins de manchots qui sont morts après avoir été séparés de la colonie qui les tenait au chaud durant les tempêtes. Lors de l’analyse, ils se sont concentrés sur les « grands microplastiques », ceux dont la taille est supérieure à 500 microns. Ils ont découvert au total 85 microparticules de plastique présumées, généralement sous forme de fibres, qu’ils ont analysées plus en détail à l’aide de la spectroscopie infrarouge afin de déterminer la composition matérielle des particules. Cependant, aucune de ces particules ne s’est avérée être des microplastiques. La plupart étaient des fibres d’origine naturelle et, malgré les mesures prises, il a été prouvé que certaines provenaient des vêtements des chercheurs.
Selon l’équipe d’auteurs, les résultats indiquent que les concentrations de microplastiques dans le réseau alimentaire local des régions de glaces côtières et marginales de la mer de Weddell et de la Terre de la Reine-Maud, sont actuellement si faibles que les particules ne s’accumulent pas dans les manchots empereurs en raison du transfert dans le réseau alimentaire.
Cette étude n’est toutefois qu’un instantané et, compte tenu de l’augmentation constante de la production de plastique et donc de la pollution plastique des océans, ce n’est peut-être qu’une question de temps avant que les manchots empereurs de la baie d’Atka ne soient eux aussi en contact avec des microplastiques. Le réchauffement climatique, qui fait peser diverses autres menaces sur la faune et les écosystèmes de l’Antarctique, fait le reste et pourrait rendre plus accessibles des régions isolées, aujourd’hui encore recouvertes de glace de mer, ce qui augmenterait l’activité humaine et l’apport de microplastiques.
Julia Hager, PolarJournal
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