L’Arctique couvre une superficie d’environ 16,5 millions de kilomètres carrés et se compose en grande partie de l’océan Arctique. Pour y repérer des animaux et recueillir des informations sur la taille de leur population, les scientifiques doivent recourir à l’imagerie satellitaire. Et la tâche de repérer, d’identifier et de compter individuellement des animaux sur des images prises à grande hauteur est difficile et prend beaucoup de temps. Les intelligences artificielles seraient idéales pour cette tâche. Un groupe de recherche néerlandais qui, dans le cadre d’un projet, s’intéresse aux phoques en Arctique, a fait un grand pas dans cette direction et a découvert des choses étonnantes.
Des chercheurs de l’Institut royal néerlandais de recherche marine (NIOZ), de l’Université de Wageningen (WMR) et de la société Aeria ont utilisé des drones pour repérer les phoques autour du Svalbard et prendre des photos à haute altitude. Ils ont ensuite comparé ces images avec des images satellites à haute résolution et ont pu traiter les images prises par les drones de manière à les intégrer dans un algorithme informatique, qui recherche ensuite lui-même les phoques sur les images satellites. Cela permet de compter les phoques avec plus de précision dans une zone plus large et donc de produire plus d’informations sur la taille des populations.
Le projet « Seals – An Agent-based modelling tool », dirigé par Geert Aarts du NIOZ et du WMR, vise à montrer, à l’aide d’images satellites et d’images prises par des drones, comment l’habitat des phoques de l’Arctique est modifié par le changement climatique et quels en sont les effets sur les mammifères marins. Pour ce faire, les chercheurs du groupe profitent du fait que la qualité des enregistrements s’est massivement améliorée au cours des dernières années. Par exemple, les satellites utilisés dans ce travail peuvent fournir des résolutions d’image de 30×30 centimètres à une altitude de plus de 600 kilomètres, ce qui est suffisant pour identifier avec une grande précision même les petits phoques annelés d’environ 120 centimètres. Mais pour automatiser l’analyse de telles images, les chercheurs ont d’abord dû apprendre à l’ordinateur à reconnaître les différentes espèces de phoques. Pour ce faire, ils ont utilisé des images de drones prises au Svalbard au cours de l’été.
La résolution des images des drones est immense, permettant d’identifier les phoques et même d’attribuer les différents trous de respiration à des animaux précis. Comme les travaux ont été réalisés dans une zone où se trouve de la glace solide, c’est-à-dire de la glace qui est liée à la terre, il a été facile pour l’équipe de cartographier l’emplacement des trous. Sur la banquise, qui se déplace au gré des courants et change constamment d’aspect, surtout au printemps et en été, il est certes plus difficile de trouver de tels points fixes. Mais l’équipe, qui a étudié non seulement les phoques annelés mais aussi les morses du Svalbard, est convaincue que d’autres espèces de phoques appréciant la banquise, comme les phoques à capuchon et les phoques du Groenland, profiteront également de leurs recherches et que l’algorithme pourra être adapté en conséquence. L’essentiel est que les images, qu’il s’agisse d’images satellites ou de drones, soient d’une résolution suffisamment élevée. « Ces images peuvent ensuite être introduites dans un algorithme d’apprentissage automatique et utilisées pour entraîner un réseau neuronal », explique le co-auteur de l’étude et doctorant Jeroen Hoekendijk. Il travaille actuellement sur ce développement avec la haute école suisse EPFL.
Le fait que ces images soient d’une telle qualité qu’elles permettent de reconnaître les espèces individuelles de phoques était déjà un point fort pour l’équipe de recherche. Mais Aarts, Hoekendijk et les autres membres de l’équipe ont fait une autre découverte surprenante en analysant les enregistrements : des lignes menant aux trous de respiration des phoques. En observant de plus près, les scientifiques ont pu identifier ces lignes comme étant des traces d’ours polaire. Dans certains cas, on pouvait même voir les empreintes de pattes individuelles sur les photos. « Même si nous étions conscients du potentiel de telles images satellites pour l’observation des mammifères depuis l’espace, nous avons été très étonnés de remarquer les lignes blanches sur la banquise qui relient les trous de respiration des phoques annelés », explique Geert Aarts.
Le groupe a ainsi pu montrer le potentiel de ces images à haute résolution pour l’Arctique également. En effet, une technique similaire est déjà utilisée en Antarctique pour le comptage des manchots, où l’on s’appuie également sur l’aide de volontaires privés dans le cadre de projets de sciences citoyennes.
Pour les phoques de l’Arctique, ce serait en tout cas une contribution importante à leur protection, car si l’on ne sait pas combien de phoques sont encore présents, ils pourraient soudainement disparaître, malgré la vue depuis le ciel.
Dr. Michael Wenger, PolarJournal
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