Les types de végétation comme clé de régulation énergétique des paysages arctiques | Polarjournal
Le bilan énergétique dans l’Arctique est déterminé par le degré de couverture de la végétation. Des chercheuses de l’Université de Zurich ont pu montrer que ces différents types jouent un rôle aussi important que la couverture neigeuse, la température estivale ou la latitude. Image : Groenland, Michael Wenger

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’Arctique n’est pas seulement une surface maritime glacée, mais aussi, et précisément sur terre, une surface terrestre couverte d’une végétation variée. Et c’est précisément cette croissance des plantes dans les différentes zones qui est importante lorsqu’il s’agit d’établir des bilans énergétiques, qui représentent des rétroactions importantes dans le système climatique. Jusqu’à présent, les types et les zones de végétation ont toutefois été traités plutôt négligemment et très simplifiée dans la modélisation climatique. Un groupe de recherche dirigé par l’Université de Zurich vient de montrer que les différents types de végétation jouent un rôle clé dans le bilan énergétique estival de l’Arctique.

La végétation arctique, qu’il s’agisse de steppes herbeuses, de zones humides ou de régions arbustives, joue un rôle aussi important que la latitude et la température estivale dans le flux de chaleur entre la surface de la Terre et l’atmosphère en été. Jacqueline Oehri et la professeure Gabriela Schaepman-Strub de l’Université de Zurich, ont réalisé ce travail avec une équipe de recherche internationale. Les résultats ont été publiés cette semaine dans la prestigieuse revue scientifique Nature Communications.

L’air scintillant au-dessus du sol de la toundra presque sèche du Nunavut fait apparaître les bœufs musqués de manière floue. Le scintillement est dû à des turbulences de l’air, provoquées par des différences de température entre le sol et l’eau en amont. Image : Michael Wenger

Dans leur étude, l’équipe de recherche a utilisé des données provenant de stations de mesure situées sur un total de 64 sites répartis dans tout l’Arctique. Ces données ont été collectées sur une période de 27 ans et ont ainsi permis, pour la première fois, d’avoir une vision à long terme de ce qui se passe dans tout l’Arctique et des différents types de végétation. « Les études antérieures se sont soit focalisées sur des descriptions qualitatives des conditions dans différents lieux, soit n’ont couvert qu’une zone géographique limitée », écrivent les auteures dans leur travail. L’analyse des données a montré que le type de végétation détermine si l’air ou le sol se réchauffe davantage lorsque le rayonnement solaire agit en été.

Les branches sombres des arbustes dépassent tôt de la couche de neige, absorbant le rayonnement solaire et conduisant la chaleur vers la surface du sol, bien avant que la neige ne fonde.

Dr. Jacqueline Oehri, Université de Zurich

Nous avons été surpris de constater qu’en été, la différence de flux thermique entre deux types de végétation – par exemple un paysage dominé par des lichens et des mousses et un autre par des arbustes – est aussi importante qu’entre la surface glacée des glaciers et la steppe verdoyante », explique le Dr Oehri, premier auteure de l’étude. En outre, l’équipe a découvert que le type de végétation, à savoir s’il s’agit d’une toundra sèche ou d’une toundra arbustive, influence la saisonnalité de l’équilibre énergétique. « Les branches sombres des arbustes dépassent très tôt de la couche de neige, absorbent le rayonnement solaire et conduisent la chaleur vers la surface du sol bien avant que la neige n’ait fondue », poursuit le Dr Oehri.

Le réchauffement de l’Arctique amène de plus en plus de plantes du sud vers le nord de l’Arctique. Cela a des conséquences sur le climat, le sol et la faune arctique. Image : Michael Wenger

Selon l’équipe de recherche, les résultats de l’étude apportent une contribution importante à la modélisation du climat. « Les connaissances sur les flux d’énergie en Arctique sont particulièrement importantes, car la préservation du pergélisol dépend notamment de l’importance du flux de chaleur dans le sol », explique la professeure Gabriela Schaepman-Strub. « Nous savons maintenant quelles communautés végétales ont un effet particulièrement refroidissant ou réchauffant via l’échange d’énergie. Nous pouvons maintenant calculer comment les changements des communautés végétales, visibles dans de nombreuses régions de l’Arctique, se répercutent sur le pergélisol et le climat ». Car parmi les changements qui accompagnent le réchauffement de l’Arctique, il y a aussi la propagation vers le Grand Nord d’espèces végétales plus méridionales. Ce qui influence à son tour le réchauffement du pergélisol. Et celui-ci est littéralement la base sur laquelle se construit le paysage arctique.

Dr. Michael Wenger, PolarJournal

Lien vers l’étude : Oehri, J., Schaepman-Strub, G., Kim, JS. et al. Le type de végétation est un prédicteur important du budget énergétique de surface terrestre en été dans l’Arctique. Nat Commun 13, 6379 (2022). https://doi.org/10.1038/s41467-022-34049-3

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