Les îles Malouines comme lieu d’accouplement selon les chants des rorquals boréaux | Polarjournal
Durant les mois d’été austral, les rorquals boréaux aiment passer leur temps autour des îles Malouines. Ils y trouvent de la nourriture et, selon des données récentes, probablement aussi des partenaires pour s’accoupler. Photo : Dr. Caroline Weir, Falkland Conservation

L’époque où l’on chassait les baleines au harpon dans l’Atlantique Sud et les eaux antarctiques est heureusement révolue. Mais les chiffres relatifs à certaines espèces, alors fortement chassées, n’augmentent malgré tout que lentement. Le rorqual boréal, troisième plus grande espèce de baleine, en fait partie. Il y a un an, des chercheurs ont pu démontrer que les îles Malouines, autrefois un lieu traditionnel de chasse à la baleine, constituent aujourd’hui à nouveau un « hotspot » pour les rorquals boréaux restants en Atlantique Sud. Dans une étude récente, deux chercheurs ont trouvé des indices qui pourraient expliquer la popularité de l’archipel auprès des rorquals.

La nourriture et les partenaires désireux de s’accoupler pourraient en effet être les raisons qui font des îles Malouines un lieu apprécié par les rorquals boréaux, toujours très menacés, et de l’archipel le seul « hotspot » de l’espèce connu à ce jour dans le monde. C’est l’interprétation possible d’une étude menée par le Dr Salvatore Cerchio, responsable de la division baleines à l’Africa Aquatic Conservation Fund, et le Dr Caroline Weir de Falklands Conservation, les deux auteurs de l’étude. Et c’est ce qu’indiquent les chants des rorquals mâles, interprétés par les experts comme des chants d’accouplement, et qui ont été enregistrés pour la toute première fois. « L’espèce a déjà été étudiée ailleurs, mais son chant n’avait jamais été enregistré, ce qui montre à quel point les îles Malouines sont particulières pour cette espèce », explique le Dr Caroline Weir. Les deux experts ont publié leurs résultats dans la revue « Royal Society Open Science ».

Les chants des baleines ont été enregistrés par des bouées au sein de l’une des plus grandes baies des Westlands. En comparant ces chants, inconnus jusqu’ici, avec des sons connus de rorquals et d’autres espèces, il a été possible de déterminer que ces sons sont en fait des cris d’accouplement, en raison de leurs structures complexes récurrentes. Vidéo de présentation : Falkland Conservation

Ces chants ont pu être enregistrés par les deux chercheurs grâce à trois bouées déployées dans la baie de Berkeley, une profonde échancrure de la Grande Malouine, au nord de la capitale Port Stanley, bouées qui ont fourni des données pendant deux ans. L’objectif de l’étude était d’enregistrer des cris de rorquals boréaux afin d’en savoir plus sur les raisons qui font que l’archipel semble si important pour cette espèce. Weir et Cerchio se sont rendus compte que les sons pouvaient être entendus comme des « motifs rythmiques répétitifs consistants ».

Les chants des rorquals sont tout simplement les sons les plus bizarres et les plus inhabituels que j’ai jamais entendus de la part d’une baleine.

Dr. Salvatore Cerchio, African Aquatic Conservation Fund

Salvatore Cerchio, l’auteur principal de l’étude, a ainsi découvert une énorme variété de cris différents, soit plus de 2 000 au total. Certains d’entre eux étaient déjà connus, mais une analyse plus approfondie a révélé une chose surprenante : certains cris se sont avérés être des chants de rorqual boréal taureau. Il ne s’agit toutefois pas de sons mélodieux comme ceux des baleines à bosse, mais de motifs sonores presque extraterrestres. « Les chants des rorquals boréaux sont tout simplement les sons les plus bizarres et les plus inhabituels que j’ai jamais entendus de la part d’une baleine », déclare le Dr Cerchio. Et le Dr Weir se souvient : « J’ai reçu un appel enthousiaste de Sal, qui plaisantait en disant que ces bruits pouvaient être ceux d’extraterrestres et que je devais me préparer à être téléportée ! »

Les rorquals boréaux sont présents dans une grande partie de l’Atlantique Sud, des tropiques aux eaux subantarctiques. Cela rend difficile la collecte de données et donc les mesures de protection. Image : Caroline Weir

Nous avons maintenant la preuve que les eaux des Malouines sont l’une des rares zones au monde où le comportement de reproduction des rorquals boréaux est documenté.

Dr. Caroline Weir, Falklands Conservation

En comparant les fréquences et les motifs des sons connus du rorqual boréal avec d’autres espèces de baleines apparentées, comme le rorqual bleu et le rorqual commun, Cerchio et Weir sont certains qu’il s’agit de chants de mâles de rorqual boréal appelant des partenaires potentielles entre février et fin avril : « En raison des caractéristiques de ces chants et de leur moment saisonnier – en automne, lorsque les migrations vers des zones de reproduction plus chaudes commencent – il est très probable que ces chants soient une performance d’accouplement masculine », estime le Dr Cerchio. Pour le Dr Weir, il est désormais clair que « nous avons la preuve que les eaux des Malouines sont l’une des rares zones au monde où le comportement de reproduction des rorquals boréaux est documenté ». Ce qui signifierait que les îles Malouines devraient être encore plus intégrées dans les réflexions et les mesures de protection, ajoute le Dr Weir. En effet, l’un des problèmes qui affectent les rorquals boréaux, ainsi que d’autres espèces, est l’augmentation des nuisances sonores dues au trafic maritime et à l’exploitation des ressources, tous deux très présents autour de l’archipel. « Des études devraient être menées afin d’évaluer les risques et les effets potentiels du bruit généralisé, puis de formuler des recommandations pour la gestion du bruit anthropique afin de limiter les perturbations pour les populations locales de cétacés », demandent les deux auteurs dans leur travail. C’est la seule façon de garantir que, à l’avenir, cette espèce de baleine continue de chanter dans les eaux de l’archipel.

Dr. Michael Wenger, PolarJournal

Photo : (C) Dr. Caroline Weir, Falklands Conservation

Lien vers l’étude : Cerchio S. et Weir C. (2022) R. Soc. open sci.9 (220738) Chant de moyenne fréquence et appels de basse fréquence des baleines de sei dans les îles Falkland ; doi.org/10.1098/rsos.220738

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