Les phoques sont en quelque sorte les stars cachées des visiteurs de l’Arctique. Rares sont ceux qui ne sont pas fascinés par les yeux globuleux et sombres d’un phoque annelé, par le comportement d’accouplement d’un phoque à capuchon ou par la vue d’un petit phoque du Groenland avec son pelage blanc. Les mammifères marins provoquent également la joie des habitants de l’Arctique, mais pour une autre raison. En effet, les phoques font partie intégrante de l’alimentation, de la production de vêtements et, de manière générale, de la culture des Inuit. Lors d’une rencontre nationale sur les phoques, la signification et l’importance de ces mammifères marins pour la population régionale ont été discutées durant deux jours.
À l’issue de cette réunion réunissant organisations inuit, experts en mammifères marins, représentants des pêcheries et membres du gouvernement, le gouvernement d’Ottawa a publié une déclaration dans laquelle il a réaffirmé son intention d’étudier davantage les phoques, d’en savoir plus sur les populations des différentes espèces et leur impact sur les systèmes aquatiques, de combler les lacunes en matière de données et d’étudier les menaces qui pèsent sur elles. « Ce sommet a permis d’approfondir notre compréhension des opportunités et des défis liés aux phoques, une ressource naturelle abondante et durable », a déclaré la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière, Joyce Murray, dans un communiqué de presse publié à l’issue de la réunion. Pour cela, des projets seront encouragés dans les années à venir afin d’en savoir plus sur les phoques et leur mode de vie dans l’Arctique canadien.
A première vue, l’appel à de tels projets semble avoir pour but de mieux protéger les animaux, qui sont fortement touchés par le changement climatique en Arctique, mais aussi par le bruit et la pollution. Mais le gouvernement canadien poursuit un autre objectif avec ces projets, à savoir mieux gérer, et de manière encore plus durable, les phoques en tant que ressource naturelle pour les populations autochtones de l’Arctique canadien, tout en aidant à faire connaître les produits du phoque issus de la chasse locale et du travail manuel, non seulement sur le marché national, mais aussi dans le monde entier. « Notre gouvernement s’est engagé à travailler avec des partenaires autochtones et l’industrie, afin de préserver les marchés existants pour les produits du phoque canadiens, et de soutenir l’innovation dans le développement de nouveaux produits et de nouveaux marchés au pays et dans le monde entier », ajoute le communiqué de presse. Pour ce faire, des études et des recherches seront également menées afin d’identifier de nouveaux marchés et de nouvelles stratégies et, au final, de permettre à la population du Grand Nord de pouvoir à nouveau utiliser davantage ses produits comme produits commerciaux.
Les phoques et leur chasse sont considérés par le gouvernement d’Ottawa comme des éléments importants du mode de vie des populations de l’Arctique. En fait, les phoques fournissent une part importante de la viande, surtout dans les petites communautés. les denrées alimentaires importées y sont effectivement chères et les revenus sont faibles. La chasse ne joue donc pas seulement un rôle culturel; elle fait partie intégrante de la vie. La transformation des peaux et des os en vêtements, en bijoux et en objets d’usage quotidien est aussi une composante de cette activité, qui constituait une source de revenus importante dans les régions structurellement faibles jusqu’à ce qu’une campagne de grande envergure contre la chasse aux phoques soit menée, notamment en Europe. L’interdiction d’importer des produits dérivés du phoque par l’UE a fait s’effondrer l’industrie. Les producteurs avaient beau affirmé que leur chasse était devenue plus durable et qu’ils appliquaient les directives et les contrôles, l’interdiction n’a pas été levée. Les images des campagnes menées par des organisations comme Greenpeace, avec des bébés phoques tués et des cadavres couverts de sang, ont laissé une empreinte trop fortes dans la mémoire des gens. Même le fait que Greenpeace ait reconnu par la suite que la campagne avait manqué de nuance en mettant notamment sur le même plan la chasse commerciale aux phoques et la chasse de subsistance des populations indigènes, ce qui était une énorme erreur, n’a rien changé. C’est pourquoi le gouvernement canadien veut désormais soutenir les efforts des Inuit et montrer que la durabilité est possible lorsque les phoques sont utilisés comme ressource.
Dr. Michael Wenger, PolarJournal
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