Encore plus de narvals pourront être chassés dans l’est du Groenland en 2023 | Polarjournal
Les narvals sont des animaux de chasse très prisés dans de nombreuses régions de l’Arctique. En effet, outre la viande, la peau est importante pour l’alimentation de la population, car elle constitue une très bonne source de vitamine C, ce qui en fait un élément essentiel de l’alimentation. Mais dans la mesure où ces animaux sont fortement menacés, ils ne devraient pas être chassés du tout dans certaines parties de la région, recommandent les experts. Image : Michael Wenger

La chasse aux mammifères marins est non seulement une longue tradition au Groenland, mais elle fait effectivement partie des moyens de subsistance de la population pour s’approvisionner en viande. Le nombre d’animaux à chasser est fixé par le gouvernement sur la base du nombre de captures et de données scientifiques fournies par des experts. Un sujet de discorde est toutefois apparu ces dernières années, à savoir la chasse aux narvals et aux bélugas dans l’est du Groenland. Autant dans cette région que dans le reste de l’île, les quotas pour l’année prochaine ont été fixés, ce qui ne plaît pas à tout le monde.

Les chasseurs locaux de l’est du Groenland pourront abattre 50 narvals et 30 bélugas l’année prochaine dans les régions de Tasiilaq, Kangerlussuaq et Ittoqqotoormiit, a décidé le gouvernement de Nuuk. Cette décision répond ainsi à l’appel du Parlement, qui avait demandé une nouvelle évaluation du système de quotas pour la chasse aux mammifères marins dans l’est du Groenland. Dans le même temps, les ministres, sous la direction du chef du gouvernement Muté B. Egede, ignorent les recommandations scientifiques proposées par la Commission de l’Atlantique Nord pour les mammifères marins (Nammco). Cette dernière avait demandé un arrêt prolongé de la pêche après que les chiffres et les estimations de la taille de la population d’animaux dans la région aient montré une tendance à la baisse, comme l’indique un rapport de la Nammco.

Au Groenland, des permis de chasse aux mammifères marins sont octroyés. Les chasseurs sont organisés localement et, dans l’est du Groenland, les chasseurs demandent depuis longtemps que la chasse aux narvals et aux bélugas soit autorisée. Jusqu’à présent, le gouvernement se montrait hésitant, mais il a désormais cédé. Image : Michael Wenger

Le débat portant sur l’assouplissement de la chasse aux narvals et aux bélugas dans l’est du Groenland n’est pas nouveau. Depuis longtemps, les chasseurs locaux et les représentants des communautés demandent que les quotas fixés par le gouvernement depuis 2008 pour ces mammifères marins tant convoités soient augmentés. En effet, comme dans le reste du Groenland, des communautés telles que Tasillaq ou Ittoqqotoormiit souhaitent à nouveau couvrir leurs besoins en viande et en mattak (la peau des narvals) avec des animaux chassés localement. Mais jusqu’à présent, les appels de cette région sont restés lettre morte, le gouvernement mettant en avant le fait que les populations de l’est du Groenland ne sont pas assez stables selon les experts. Plus le temps passait cependant, plus la pression s’intensifiait et d’autres motifs ont été mis en avant pour expliquer le déclin des narvals dans la région, comme le nombre croissant de bateaux de touristes. C’est pourquoi, au lieu d’interdire à la population locale de chasser, des mesures plus fortes pour réguler le trafic maritime dans les fjords ont été demandées. C’est en effet dans ces endroits que les narvals et les bélugas séjournent le plus souvent pendant les mois d’été.

Le nombre de narvals dans l’ensemble de l’Arctique est estimé entre 85 000 et 100 000 individus, mais la plupart d’entre eux vivent dans l’Arctique canadien et seulement un millier dans l’est du Groenland selon une estimation grossière. Concernant les bélugas, la population mondiale est estimée à environ 200 000 individus. Pour l’est du Groenland, on estime qu’il ne s’agit même pas d’une population indigène, mais de quelques individus venant du Svalbard. Image : Heiner Kubny

En plus de ces 50 narvals, les 30 bélugas qui peuvent désormais être chassés dans l’est du Groenland devraient également faire parler d’eux. En effet, ils sont encore plus rares dans la région que les narvals. Selon le rapport de la Nammco, seules 112 baleines blanches ont été tuées dans l’est du Groenland au cours des 66 dernières années, soit environ 1,6 baleine par an. Les experts estiment qu’il n’y a pas de population propre dans la région, car que les animaux observés jusqu’à présent provenaient du Svalbard. C’est pourquoi, il est généralement admis que les chasseurs auront du mal à atteindre le chiffre autorisé. Le gouvernement a ainsi déclaré que le quota était un « quota technique ». Le système de quotas au Groenland prévoit que, au cas où les quotas de pêche ne sont pas atteints, les animaux excédentaires peuvent être reportés sur l’année suivante. Il sera donc intéressant de voir ce qui sera décidé l’année prochaine à ce sujet.

La taille de la population de narvals et de bélugas n’est soumise qu’à des estimations calculées sur la base d’observations et du nombre de captures effectuées dans les régions. La Nammco a dévoilé les derniers chiffres à ce sujet en 2019 dans un rapport. Image : Michael Wenger

Le gouvernement a fixé des quotas beaucoup plus élevés que ceux recommandés par les experts pour le Groenland oriental. Il en va de même dans les autres régions où des chiffres plus élevés ont été fixés : au lieu de 294 narvals dans l’ouest du Groenland, 455 pourront être chassés, ainsi que 294 bélugas, selon les chiffres officiels. Pour la Nammco, la décision du gouvernement de Nuuk risque d’être difficile à comprendre. Le nombre recommandé par la Nammco est basé sur les données publiées par un groupe de travail spécialement mis en place pour l’est du Groenland en 2019. Ce rapport indique que les quotas actuels dans les trois zones de gestion de Tasiilaq, Kangerlussuaq et Ittoqqotoormiit se sont pas durables. Avec la décision prise aujourd’hui d’y autoriser 50 animaux abattus sur près de 1 000 narvals estimés, le point de vue du ministre de la Pêche et de la Chasse, Karl Tobiassen, et de ses collègues est clairement différent.

Dr. Michael Wenger, PolarJournal

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