Une organisation inuit mène une enquête scientifique sur l’interdiction de la pêche aux bélugas | Polarjournal
Dans certaines régions de l’Arctique canadien, le nombre de bélugas avait diminué, ce qui avait conduit les autorités fédérales à décréter des interdictions de pêche. Or, selon les représentants des organisations locales de gestion de la faune, ces décisions ont été prises sans consultation préalable de la population et ne correspondent pas aux réalités du terrain. Image : Polargeo via Wikicommons CC BY-SA 3.0

La chasse à la baleine a une longue tradition dans l’Arctique, toujours pratiquée dans de nombreuses régions, pour se nourrir. Les prises sont généralement basées sur un système de quotas établi à partir de données scientifiques et, de plus en plus, sur les connaissances locales des chasseurs. Mais dans d’autres régions, la pêche est interdite, par exemple dans le nord arctique de la province canadienne du Québec. Ici, une organisation inuit régionale veut maintenant faire lever l’interdiction de pêche par des méthodes scientifiques.

L’association inuit de chasse et de pêche Anguvigaq, également connue sous le nom de Nunavik Hunting Fishing and Trapping Organisation HFTA, milite pour que l’interdiction de capturer des bélugas, en vigueur depuis 1986, soit levée par les autorités. Pour cela, ils surveillent depuis deux ans, à l’aide de méthodes scientifiques, la population de baleines blanches dans la baie de Mucalic, au nord de la région du Nunavik, où ils installent chaque été, un grand camp qui leur sert de base. « Nous essayons de prouver au ministère des Pêches et des Océans qu’il ne s’agit pas d’une seule population de bélugas résidents et qu’elle est sujette à des fluctuations annuelles », explique le président d’Anguvigaq, James May, au journal Nunatsiaq News.

Les représentants d’Anguvigaq utilisent le camp comme point de départ pour leurs comptages de bélugas, qui nagent généralement près de la côte, facilement visibles. Anguvigaq a l’autorisation d’abattre trois animaux chacun à des fins scientifiques. Les chasseurs et les experts peuvent ainsi examiner l’état nutritionnel des animaux et également prélever des échantillons de différents tissus afin de les faire analyser. Ceci afin de déterminer leur degré de parenté, les polluants auxquels ils sont exposés et d’autres paramètres. En même temps, l’organisation veut transmettre aux nouvelles générations les traditions de chasse à la baleine, durable à leurs yeux. Pour ce faire, aux côtés des chasseurs, des scientifiques et les membres du camp, il y aura aussi des jeunes et des aînés des communautés alentours. Ces derniers sont désignés pour transmettre les connaissances traditionnelles, la langue inuit, ou plus généralement leur culture. Anguvigaq souhaite ainsi transmettre aux prochaines générations les méthodes de recherche modernes pour une gestion durable de la faune sauvage.

Pour de nombreux touristes, l’observation des bélugas est un moment fort. Mais au Groenland, tout le monde n’est pas d’accord pour dire que le tourisme et les bélugas peuvent coexister. C’est pourquoi certains représentants d’organisations de chasse locales demandent la fermeture des fjords aux bateaux de tourisme. Image : Michael Wenger

Pour James May et l’organisation inuit présente dans les 15 communautés locales du Nunavik, la décision prise en 1986 par les autorités fédérales de l’époque n’était pas basée sur une analyse complète de la situation. L’interdiction de pêche a certes été décrétée pour protéger les bélugas d’une l’extinction locale, mais, aucune consultation n’a eu lieu avec les habitants de la région. En effet, celle-ci aurait pu attirer l’attention sur le fait que les chiffres sur lesquels se basait la décision étaient soumis à de grandes variations annuelles sur le terrain, donc peu fiable. Les données qui ont maintenant été recueillies au cours de ces deux dernières années semblent le souligner. Mais un suivi plus long doit encore prouver leur théorie. Le ministère compétent n’a certes pas encore pris position à ce sujet. En attendant, les échantillons recueillis par May et les bénévoles ont été soumis au ministère pour analyse.

Récemment, le gouvernement du Groenland a rouvert la chasse aux bélugas dans l’est du Groenland (ici à Tasiilaq), en dépit des recherches scientifiques, qui décrivent la chasse aux mammifères marins dans la région, comme non durable.

Un coup d’œil chez le voisin groenlandais montre que May et Anguvigaq ne sont pas sans espoir. Il y a quelques semaines, le gouvernement groenlandais a en effet décidé d’autoriser la pêche au béluga pour l’est du Groenland et a ouvert un quota de 30 bélugas. Il s’est ainsi opposé à la recommandation des chercheurs, qui souhaitaient continuer à protéger la baleine blanche dans cette région, en citant également des données scientifiques. « Que ce soit dans cette région ou dans d’autres, les connaissances des Inuits devraient être prises en compte dans la gestion de la faune », déclare James May dans un entretien avec Nunatsiaq. « Nous essayons d’amener les Inuits et les scientifiques du sud à travailler ensemble, en tenant compte du fait que les connaissances des Inuits sont l’une des sources les plus précieuses de science et de savoir dans le Nord ».

Dr. Michael Wenger, PolarJournal

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