Les Jeux d’Hiver de l’Arctique entre compétition et transmission culturelle | Polarjournal
Les jeux existent depuis les années 70 et ont lieu toutes les années paires, sauf problèmes majeurs comme en 2022, lorsque les athlètes n’ont pas pu se rencontrer à cause de l’épidémie de Covid-19. L’édition n’a pas été annulée, mais reportée en 2023. Images : Arctic Winter Games

Des sports modernes aux jeux traditionnels, en passant par des échanges culturels, l’événement sportif majeur des hautes latitudes émancipe la jeunesse arctique. Elle crée un esprit d’unité qui s’enracine dans les traditions et s’épanouit dans la culture contemporaine.

Des adolescents s’affronteront au hockey sur glace, d’autres lutteront dans un espace de la taille d’un igloo, pour peut-être brandir la défense de narval, trophée des Jeux d’Hiver de l’Arctique. Cette année, ils réuniront du 29 janvier au 4 février 2023, des athlètes qui ont entre 12 et 20 ans, à Fort McMurray dans la province de l’Alberta au Canada. « Ces jeux sont bien plus que de simples rencontres sportives, estime Julien Fuchs, ils incarnent l’état d’esprit de l’Arctique ». Le sociologue et historien du sport, soutenu par avec l’Institut Polaire Français, a commencé à travailler sur ce sujet en 2016, lors des jeux de Nuuk au Groenland, où 2 200 participants s’étaient déplacés.

« La solidarité est au cœur des Jeux d’Hiver de l’Arctique, ce sont de gens qui accordent beaucoup d’importance à l’entraide, et on le comprend, elle est indispensable pour vivre dans ces zones isolées, dont l’environnement est particulièrement froid. L’ouverture culturelle est également au cœur de la compétition, ajoute-t-il quand nous lui demandons quelles sont les valeurs des jeux. » Ils n’ont pas beaucoup l’occasion de se rencontrer entre semblables de l’Arctique, et vivent une expérience exceptionnelle de ce point de vue. Les jeunes se définissent alors comme des habitants du Nord.

C’est un panache de sports qui mêlent des disciplines modernes comme le biathlon, le hockey sur glace ou le ski alpin ; des sports d’intérieurs comme la gymnastique, le tennis de table ou le volleyball. Mais aussi des jeux traditionnels « les déné » hérités des Premières Nations comme le « poussée de bâton », ou encore le « tiré de doigt » qui reprend les gestes des pêcheurs manipulant des filets. Et enfin, des duels qui se déroulent dans l’espace étroit de l’igloo. « Tous les jeux sont vécus comme des compétitions, « ce n’est pas un show », nous disent les participants, portés par l’émulation », rappelle Julien Fuchs de l’Université de Bretagne Orientale, qui s’intéresse à la perception qu’on les jeunes de cette compétition.

Un programme culturel est organisé en parallèle du programme sportif. Un marché d’artisanats et des soirées où des groupes de musique appartenant à ces communautés se produisent. C’est un lieu d’échange linguistique, où le lapon, le groenlandais, le déné… côtoient l’anglais ou le russe. Images : Arctic Winter Games

« Il y a deux types de classements : le classique qui récompense les plus médaillés, et un autre plus fairplay. Ce dernier représente l’idéal arctique. Le jury décerne ce titre à la nation qui l’incarne le mieux. Il prend en compte la participation, l’encouragement, et même les références culturelles de leurs styles vestimentaires. Certains viennent en vêtements sportifs ou en parkas et d’autre y incorporent des signes traditionnels », décrit le sociologue.

Une dizaine de communautés sont habituées des jeux, 5 d’entre elles viennent du Canada, puis les autres sont de Laponie, du Groenland et de l’Alaska. Cette année les Russes ne seront pas présents. D’habitude ce sont des communautés des péninsules arctiques, comme celle du Yamal, qui se déplacent. « En 2016, ils étaient 9 de cette délégation, ce sont des petites communautés », commente le sociologue. Il est prévu que ce soient eux qui organisent un des événements à venir.

Même si les jeux s’adressent à un public jeune, les adultes participent à la marge de l’événement à certains jeux comme le « poussée de bâton ». Image : Arctic Winter Games

« Des jeunes viennent pour le sport et d’autres plus pour se montrer en dehors de chez eux et rencontrer les autres nations. Il n’y a pas que des athlètes brillants dans la performance. L’identité sportive ne passe pas seulement par la compétions, elle passe aussi par autre chose, plus en rapport avec les valeurs de l’Arctique. C’est ce que nous allons étudier cette année. » nous dévoile le chercheur.

Pour ces jeunes gens, rien que de se rendre aux Jeux d’Hiver de l’Arctique, c’est un défi en soi, qu’ils relèvent avec plaisir. Certains d’entre eux viennent de très loin, de campements nomades des provinces reculées du Nord, pleins de fougue et adroits sur la neige et la glace.

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers l’étude : Julien Fuchs, European Journal for Sport and Society, 2022,What future model for international sports events? The case of the arctic winter games, doi.org/10.1080/16138171.2022.2031517.

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