Quand La Niña fait fondre les glaces | Polarjournal
La glace de mer dans l’Arctique joue un rôle essentiel dans la circulation atmosphérique hivernale et les vagues de froid parcourant les continents de l’hémisphère nord. Image : Julia Hager

Les courants du Pacifique influencent ceux de l’Atlantique lors de leurs phases extrêmes. Leurs effets se font sentir jusque dans l’Arctique, en mer de Barents et de mer de Kara.

À partir de 1990, l’espace anormalement petit ou anormalement grand que recouvre la banquise de l’Artique dans la mer de Barents et la mer de Kara, en hiver, reflète l’instabilité du climat actuel. Une équipe de recherche chinoise vient de trouver la source de cette anomalie dans la mer de Barents et la mer de Kara. Elle retrace le mécanisme à l’œuvre lors des fluctuations de la banquise. Cette découverte permettra d’améliorer les prévisions de la couverture de glace, utile à la circulation maritime dans la mer de Barents et la mer de Kara.

Ce sont les phénomènes extrêmes connus dans le Pacifique qui influence le retrait de la banquise : La Niña et El Niño. La Niña influence les circulations océaniques et atmosphériques dans l’Atlantique, stimulant l’intrusion de courant d’air chaud et humide en hiver dans l’Arctique. L’inverse se produit avec El Niño.

La fréquence de ces deux phénomènes a augmenté de 20 % lors de la dernière décennie, et depuis, la limite des glaces dans les mers de Barents et Kara oscille plus volontiers, d’une année sur l’autre.

En noir, le courant de La Niña et la circulation atmosphérique de Walker, en violet, la circulation d’Hadley, en rouge les variations de température de l’Atlantique (à gauche) et la circulation atmosphérique de l’Oural (à droite), en bleue, l’influence de l’anticyclone des Açores, en vert, l’air humide et en orange le transport d’eau chaude. Image : Binhe Luo & Al., Nature,2023.

Quand les eaux du pacifique sud sont anormalement froides, du fait de La Niña, les courants atmosphériques s’élèvent moins fortement au-dessus de l’Amérique du Sud et redescendent doucement du côté de l’Atlantique à travers la circulation dite de Walker. Conséquence d’un tel affaiblissement, la principale circulation tropicale en Atlantique, la cellule d’Hadley, se renforce. L’air s’élève au-dessus de l’équateur et retombe plus au nord, au-delà du tropique du Cancer. Cet événement coïncide avec la vivacité de l’anticyclone des Açores qui s’impose sur les dépressions d’Islande, laissant alors des courants d’air chaud et humide remonter vers l’Arctique.

Le contraire est observé quand La Niña disparait au profit d’El Niño. Ce dernier renforce la circulation de Walter qui affaiblit la cellule d’Hadley. Les dépressions d’Islande font barrage aux remontées d’air chaud pendant l’hiver.

Cependant les actions de la Niña et d’El Niño sur la banquise ont un décalage temporel de 10 à 15 ans. Cela est principalement dû à l’instabilité des températures de l’Atlantique : depuis 1990, la variation entre les températures haute et basse de l’atlantique a augmenté de 59 %. Elle favorise la circulation d’eaux chaudes de l’Atlantique vers le nord et des courants atmosphériques autour de l’Oural qui canalisent les remontées d’air chaud vers la zone arctique. Lorsque cette instabilité est faible, l’inverse se produit.

La relation entre la surface de banquise et le phénomène d’El Niño est plus complexe, comme les auteurs de l’étude le rappellent. Selon eux, une parution récente suggère qu’El Niño pourrait influencer la fonte des glaces en été. D’autre part, le réchauffement climatique libérerait l’Arctique de la glace de façon saisonnière à partir de la fin du 21e siècle.
Par ailleurs, des modèles de prévision montrent que l’Arctique libre de glace entrainerait un renforcement du phénomène d’El Niño. Dans ce cas, l’Arctique pourrait à son tour influencer les phénomènes climatiques du Pacifique.

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers l’étude : Binhe Luo, Dehai Luo,YaoGe, Aiguo Dai, LinWang, Ian Simmonds, Cunde Xiao, Lixin Wu & Yao Yao, Nature, 2023, Origins of Barents-Kara sea-ice interannual variability modulated by the Atlantic pathway of El Niño–Southern Oscillation, doi.org/10.1038/s41467-023-36136-5.

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