Le Groenland résorbe la fracture numérique de l’île séparant les habitants du nord et de l’est, qui ne sont pas desservis par le réseau de câbles sous-marins, de ceux de l’ouest et du sud qui bénéficient d’un réseau Internet haut débit.
Depuis le 6 février dernier, l’entreprise de télécommunication Tele Greenland a franchi une étape décisive dans la mise en réseau des Groenlandais. L’entreprise a participé financièrement à une mission spatiale qui vient de réussir l’envoi d’un satellite dans l’espace. Amazonas Nexus est en train de rejoindre son orbite stationnaire au-dessus de l’Atlantique Nord et le continent américain. Il appartient à l’opérateur espagnol Hispasat, et sera connecté au réseau de télécommunication du Groenland.
Tele Greenland a en effet signé un accord de coopération avec Hispasat pour fournir une connexion Internet stable de haut débit aux 8 % de la population groenlandaise qui n’en bénéficiaient pas encore. L’île compte cinquante-six mille habitants. « De cette façon, les enfants pourront apprendre l’anglais plus facilement », nous explique la porte-parole Tele Greenland. Mais pas seulement, car la bande passante sera aussi ouverte aux compagnies minières de la région pour leur usage propre. À cette heure, sept licences d’exploitation active sont ouvertes, dont la mine de rubis d’Aappaluttoq. Le dispositif permettra aussi d’améliorer le système de secours actuel dans les coins les plus reculés.
Cette étape suit la construction d’une station terrestre de réception construite à Tasiilaq en 2020, puis à Ittoqqortoormiit en 2021 par Tele Greenland, ainsi que d’une troisième à Qaanaaq, par Skybrokers, un opérateur de télécommunication néerlandais. Ces trois régions pourront ainsi recevoir une connexion stable à haut débit d’ici la fin de l’été ou de l’automne 2023.
Le directeur de Tele greenland, Kristian Reinert Davidsen, s’est exprimé dans un communiqué de presse : « Nous faisons de notre mieux pour que les zones du Groenland soient couvertes par des connexions satellitaires quand elles ne le sont pas par câble sous-marin, et puissent ainsi disposer de connexions stables, même si les satellites sont plus sensibles au vent et aux conditions météorologiques. » Cette connexion permettra d’améliorer l’éducation, la santé et l’accès aux services gouvernementaux des populations locales ainsi que les loisirs selon le directeur.
La fracture numérique n’est pas seulement une question de géographie, mais également de niveau socio-économique, aussi bien d’un point de vue des revenus que de l’éducation. Un forfait mobile de 20 gigaoctets de données numériques est vendu à 67 euros aujourd’hui, dans une région où le PIB par habitant est de cinquante-mille euros, soit un peu plus que celui de l’Allemagne. « Nous sommes en train de vivre une révolution digitale », nous explique la porte-parole de Tele Greenland. Ceci pourrait être un pas de plus vers l’émancipation d’une nation, ou l’arrivée de nouveaux acteurs économiques étrangers.
Amazonas Nexus a été lancé par SpaceX depuis le pas de tir de la base spatiale de cap Canaveral en Floride. Ce satellite a été construit par les entreprises française et italienne Thales et Leonardo. Hispasat en détient l’exploitation et peut ainsi compléter la couverture terrestre d’un autre satellite de sa flotte, Amazonas 2, qui couvre le 61e degré de longitude ouest. Il permettra donc à Hispasat d’accéder à de nouveaux clients et de nouveaux marchés pour des services qui s’appliquent aux secteurs du transport aérien et maritime. Bien au-delà des frontières du Groenland.
Camille Lin, PolarJournal
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