Le dernier bastion des Adélie en péninsule Antarctique | Polarjournal
Au cours des quarante dernières années, des changements spectaculaires ont été observés chez les manchots se reproduisant dans la péninsule antarctique occidentale. Des observations facilitées par l’accès aux colonies dû à la présence de bases scientifiques, de voiliers de passage et de navires de croisière. Image : Camille Lin

La péninsule Antarctique n’est autre que la terre la plus au nord du continent Antarctique et héberge des populations de manchots Adélies. Ces derniers déclinent de façon préoccupante depuis plusieurs décennies, or une population résiste dans l’extrême nord-est.

Le long de la péninsule Antarctique, est une région qui pourrait être appelée « le gouffre des Adélies », où les manchots Adélies ne forment aucune colonie. C’est une portion de côte comprise entre l’île d’Anvers au sud et l’île du roi Georges plus au nord. Partout autour de cette zone vide, cette espèce décline depuis des décennies, sauf dans l’extrême nord de la péninsule, au nord-est du « gouffre », où contre toute attente ils prospèrent.

Un fait rapporté par une équipe de chercheurs, dont Michael Wethington de l’Université de Stony Brook dans l’État de New York fait partie. Certains membres de l’équipe se sont rendus sur place, lors du dernier été austral, embarqués à bord de l’Arctic Sunrise un navire de l’Ong Greenpeace. La pointe de la péninsule Antarctique serait donc importante pour la sauvegarde de cette espèce, l’équipe de chercheurs le démontre et publie leur résultat dans Nature la semaine dernière.

La découverte provient de l’exploration de certaines zones de la péninsule, d’où peu d’informations avaient été rapportées jusque là. Les chercheurs ont visité les abords de colonies de manchots non inventoriées ou peu suivies pour certaines. Ils ont compté le nombre d’adultes et de petits manchots que chaque colonie était en train d’élever. Pour certains, les jeunes avaient déjà quitté leur nid pour rejoindre des crèches de poussins.

Les chercheurs ont dû faire l’usage de drones pour effectuer leur comptage à partir de photographies aériennes. Quand cela n’était pas possible, ils ont utilisé des compteurs à main en débarquant à terre, répétant 3 fois ce comptage pour minimiser les erreurs de mesure.

Stabilité de la glace

À leur grand étonnement, certaines colonies connues étaient vides, même si la présence de guano trahissait l’existence passée d’attroupements saisonniers de manchots lors de la période de reproduction.

Ce fut le cas sur l’île Dundee près de la base Antarctique Pétrel par exemple, dans la mer de Weddell. Malgré ces changements de répartition des colonies, les chercheurs ont globalement constaté que la population de manchot Adélie dans le nord-est du « gouffre des Adélies » est stable, voire parfois croissante, depuis plus de 30 ans.

Quelques colonies de cette région, comme celles de l’île Devil, de l’île Paulet et de Brown Bluff, sont régulièrement visitées par des navires de croisière commerciaux, et celles-ci fournissent la seule série chronologique cohérente disponible pour les colonies de manchots de la région. Image : Camille Lin

Ces manchots dépendent de la banquise. Elle leur sert de reposoir et de support pour de futures proies par exemple le krill qui débute sa croissance sous la glace. Le retrait de la banquise peut selon les lieux et les espèces, éloigner les manchots de leur zone de nourrissage, ou les rapprocher d’eau libre « poissonneuses ». Les auteurs de l’étude avouent « que le lien entre la glace de mer et le cours des populations de manchots reste très intuitif aux vues de la qualité des données ».

Les auteurs assurent cependant que pour les manchots Adélies, « même si la plupart des discussions se concentrent sur leurs pertes, notre découverte apporte l’espoir sachant que là où la glace de mer est stable, les populations d’Adélie restent robustes ». Ils sembleraient que les conditions de glace plutôt stable du nord de la mer de Weddell face du nord-est de la péninsule Antarctique, soit une zone de refuge pour ces animaux dans un climat futur et mériterait « un statut de protection particulier contre d’autres types de nuisances, qui s’ajoutent aux perturbations climatiques ».

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers la publication : Wethington, M., Flynn, C., Borowicz, A., Lynch, H.J., 2023. Adélie penguins north and east of the ‘Adélie gap’ continue to thrive in the face of dramatic declines elsewhere in the Antarctic Peninsula region. Nature, Sci Rep 13, 2525. https://doi.org/10.1038/s41598-023-29465-4.

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