Capturer la magie de l’Antarctique sur celluloïd (ou plutôt sur une carte mémoire de nos jours), c’est du grand art. Tous ceux qui vont en Antarctique, essayent de capturer ces instants. Certains y sont parvenus et leurs photos suscitent d’innombrables émotions chez les ceux qui les regardent. L’un de ces maitres était sans aucun doute le photographe suisse Bruno Zehnder. Aujourd’hui encore, il continue d’enchanter de nombreuses personnes avec ses magnifiques et parfois spectaculaires images de manchots. Un article scientifique et personnel a été publié en mémoire de sa mort tragique en 1997.
De chef de pont à l’un des photographes de pingouins les plus connus au monde, telle a été la carrière du photographe suisse Bruno Zehnder. Pendant 12 ans, son oeuvre s’est tournée autour du continent blanc et surtout des manchots. Lui qui né en 1945 habitait en Suisse orientale, Ses travaux photographiques lui ont valu une renommée internationale et certaines de ses observations ont également permis à la recherche de faire des découvertes importantes. Volker Strecke, spécialiste en informatique et collaborateur de longue date de l’Institut Alfred Wegener, qui a travaillé sur les stations Neumayer II et Georg Forster, a écrit l’histoire de ce Suisse engagé et sympathique dans un article commémoratif passionnant et personnel à l’occasion du 25e anniversaire de sa mort, en l’illustrant de nombreuses photos personnelles et de quelques-unes des œuvres les plus connues de Zehnder. Celles-ci lui ont été fournies par le frère du photographe, Guido Zehnder, et quelques connaissances. L’article a été publié dans le dernier numéro de la revue Polarforschung.
L’article du Dr Volker Strecke, qui est resté en contact avec Bruno Zehnder pendant de nombreuses années après leur première rencontre en 1988, énumère d’une part la carrière de l’artiste, depuis sa première visite en tant que steward de pont à bord d’un navire de recherche danois pour le compte de l’Australian Antarctic Division jusqu’à sa mort en 1997 en tant que photographe et membre de la 41e expédition antarctique russe. Ce faisant, l’auteur montre également l’importance des images et des observations de Zehnder pour la science. En effet, le Suisse a repoussé les limites de ses prises de vue, non seulement pour prendre la photo parfaite, mais aussi pour élargir ses connaissances sur le mode de vie des manchots, en particulier des manchots empereurs. Sa fascination pour ces animaux allait justement au-delà de l’artistique et l’article souligne cet aspect, important pour la protection des animaux et de l’Antarctique. L’article énumère les distinctions internationales que Bruno Zehnder a reçues au cours de sa carrière. Parmi eux, le prix de l’environnement des Nations unies en 1987 et le « Award for Excellence », également décerné par l’ONU à titre posthume en 1997.
Mais l’article ne se contente pas d’énumérer scientifiquement le parcours de Bruno Zehnder. Les aspects artistiques de son travail sont également décrits en détail. Car c’est exactement ce qu’il a été toute sa vie, un magicien derrière l’appareil. Ses images ont pu déclencher des émotions, le besoin d’en savoir plus sur l’Antarctique. C’est ce qui lui a valu la plus grande partie de sa notoriété, et ses photos ont été exposées jusqu’au Musée d’art moderne de New York, en couverture du magazine Timeet même sur l’édition 1988 de la carte de crédit Visa. Sa notoriété lui a également permis de devenir le tout premier Européen de l’Ouest à participer à une expédition antarctique soviétique, non seulement en tant qu’observateur mais aussi en tant que membre à part entière de l’équipe d’expédition. C’est à cette occasion qu’il a rencontré l’auteur de l’article, le Dr Volker Strecke, qui travaillait alors comme collaborateur de l’AWI sur les stations allemandes Neumayer II et Georg-Forster. Et à partir de là, l’article devient également personnel, l’auteur partageant quelques images et souvenirs qui le lient à Bruno Zehnder.
Mais l’article ne commémore pas seulement la vie de Bruno Zehnder, mais aussi sa mort. Car il reflète de nombreux aspects de son travail et de l’Antarctique elle-même. L’auteur montre les circonstances qui ont conduit à la mort tragique de Zehnder dans un accident, mais aussi pourquoi le photographe s’est retrouvé dans cette situation. Poussé par le désir de documenter l’éclosion des jeunes manchots empereurs et de montrer comment la vie trouve son chemin même dans l’endroit le plus inhospitalier de la planète. La colonie n’était qu’à 2,5 kilomètres de la station Mirny, où Zehnder a passé l’hiver avec les membres de l’expédition russe en Antarctique. Mais le début d’une tempête, qui a provoqué ce que l’on appelle un « whiteout », a fait que Zehnder, qui revenait, a manqué la station d’un cheveu. « Bruno a raté la station, a trébuché dans un vide obscur, est resté en bas et est mort d’hypothermie », explique Strecke pour décrire brièvement et néanmoins personnellement le déroulement des événements qui ont conduit à la mort de Zehnder.
Le mémorial de Strecke ne s’arrête cependant pas à la mort de Zehnder, mais ajoute ici les nombreuses actions entreprises dans les années qui ont suivi pour préserver la mémoire de Bruno « Penguin » Zehnder. La liste des inscriptions, venues du monde entier, qui figurent sur une grande pierre commémorative à Bad Ragaz, la ville natale de Zehnder, est particulièrement émouvante. « Il est resté là pour toujours entre la neige et les roches grises où se trouvaient des oiseaux étonnants dont il rêvait, où la glace avec sa beauté froide gelait la terre pour toujours… C’est là qu’il a trouvé la paix, il ne pouvait pas accepter autre chose dans la vie ». L’article de Volker Strecke pose certainement une pierre commémorative supplémentaire à « l’homme manchot » à l’occasion de l’anniversaire de sa mort.
Dr. Michael Wenger, PolarJournal
Lien vers l’article : Strecke, V : In memoriam Bruno Penguin Zehnder, 1945-1997, le célèbre photographe antarctique, Recherche polaire, 91, 5-13, https://doi.org/10.5194/polf-91-5-2023, 2023
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