L’audace face à la peur, l’explorateur contre vents et marées | Polarjournal
La Néo-Zélandaise Hollie Woodhouse sur la couche de glace du Groenland en mai 2018. Image : New Zealand Antarctic Heritage Trust Inspiring Explorers Expedition / Keith Parsons 

Les milieux extrêmes, tels que les pôles, façonneraient un type de personnalité qui affronte les épreuves plutôt que de les éviter. Un comportement qui s’exprime en puissance chez les aventuriers polaires.

Comment ne pas être admiratif des explorateurs qui défient l’Antarctique en solitaire ? Ils se maintiennent dans un environnement hostile contre vents et marées. « Si tu t’attaques à ce genre d’aventure, il faut que tu te croies volontaire et résilient », nous explique Bjørn Helge Johnsen, psychologue norvégien. Outre les capacités physiologiques et l’entrainement physique, le psychologue établit dans une nouvelle publication un lien entre un caractère dit « audacieux » et la peur pour se surpasser, en s’appuyant sur l’expérience de l’explorateur Rune Gjeldnes.

En 2006, cet autre Norvégien a traversé l’Antarctique en battant un record de vitesse. Il s’est lancé dans l’ascension de l’inlandsis, la grande calotte glaciaire, à partir Novo (base russe) et a atteint 3 300 mètres d’altitude au bout de 21 jours. Après deux mois de traversée, il a entamé une rapide descente vers Zucchelli (base italienne). Un périple de 4 804 kilomètres en 93 jours.

Entre le 73e et 85e jour sur le glacier Priestley, « je n’ai jamais ressenti la peur de mourir aussi intensément que maintenant. Je suis au milieu du glacier. Seul. Je ne peux pas me permettre de faire une seule erreur (…) Je ressens fortement la peur de la mort depuis plusieurs jours maintenant », raconte-t-il dans son livre Beyond the Poles.

Retour sur les expéditions de Rune Gjeldnes au Groenland, au pôle nord et en Antarctique. Crédit : YouTube / Bergan of Norway

Des marqueurs physiologiques de l’alpiniste, relatifs au stress, à son état nutritionnel, sa nutrition, et son état inflammatoire ont été suivis. Ils ont atteint un niveau très élevé pendant l’épisode du glacier Priestley. « Ils dépassaient les seuils observés pendant l’ascension de la calotte, un exploit physique extrême, remarque Bjørn Helge Johnsen. Mais, sur le glacier Priestley, les marqueurs transcrivaient plutôt ses conditions émotionnelles. » Son endorphine, l’hormone du bonheur était également passée sous un seuil critique.

Comment affronter ses peurs dans des conditions rudes ?

Les explorateurs, les hivernants des stations scientifiques, tout comme les résidents des pôles, n’ont d’autre choix que d’affronter les épreuves que leur environnement leur impose. L’« audace » (de l’anglais hardiness), est un type de personnalité décrite par les psychologues qui leur colle à la peau. Ce type de comportement repose sur trois aspects : a. par le goût du défi ; b. l’engagement envers une équipe et un but à poursuivre ; c. la croyance selon laquelle on peut influencer les résultats de son travail sans être victime des circonstances.

« On a étudié le concept d’« audace » dans des conditions militaires ou polaires et nous avons remarqué qu’il est lié à l’adaptation psychologique face au stress. Si tu as un fort potentiel d’« audace » alors tu es plutôt du genre à t’adapter en te concentrant sur une tâche à accomplir. » explique le psychologue.

Rune Gjeldnes a traversé le glacier Priestley et craignait de mourir et s’est adapté face aux stress, à la peur, en se focalisant sur son objectif et son équipe. Bjørn Helge Johnsen nous rappelle que « les aventuriers ne sont jamais vraiment seuls, ils ont un groupe qui les supportent, et pour Rune Gjeldnes sa compagne compte pour beaucoup. »

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers l’étude : Johnsen, B.H., Gjeldnes, R., 2023. Back to the basics of polar expeditions: personality hardiness, fear, and nutrition in polar environments. Saf. Extreme Environ. https://doi.org/10.1007/s42797-023-00068-6.

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