Les mystères de la course de l’eau en profondeur dans l’Arctique sont difficiles à percer parce que le climat change et que les données manquent. Des climatologues attirent l’attention sur les manques à combler pour une bonne compréhension de la dérive climatique.
Il neige en Californie, il fait 15 °C au Groenland, ce n’est plus ce que c’était, et les prévisions du changement climatique en Arctique sont trop optimistes. C’est ce que démontrent les résultats de Céline Heuzé, climatologue de l’Université de Gothenburg en Suède qui publie, avec une équipe de chercheurs de Fairbanks, Bergen, Madison et Tromso, deux articles dans le journal de l’American Meteorological Society.
Chaque année, nous sommes surpris de voir à quel point le climat se dérègle, pourtant nous le savons, les climatologues le prévoient et le GIEC en fait la synthèse. Une part de l’étonnement général pourrait être dû à l’imprécision de certains modèles climatiques en Arctique. Des imprécisions qui, selon deux nouvelles études, rendent les prospectives du GIEC trop optimistes. En effet, la vitesse du réchauffement de l’océan Arctique est plus rapide que prévu.
« Nos observations montrent que l’eau en provenance de l’Atlantique Nord est plus chaude et plus proche des glaces que ce que les modèles calculent, constate Céline Heuzé. Le problème, c’est que les formules mathématiques qui décrivent les mouvements de l’eau dans l’Arctique tournent avec 40 fois moins d’information que dans l’Atlantique Nord. » Les reliefs sous-marins sont assez mal représentés. La résolution est trop faible pour y voir l’effet des canyons le long des dorsales et des plateformes continentales.
Ils influencent les courants d’eaux profondes qui rentrent par le détroit de Fram entre le Groenland et Svalbard. Les masses d’eau tournent dans l’Arctique en gardant le relief sur leur droite en commençant par la Sibérie, l’Alaska et reviennent vers le Canada, le Groenland. L’eau ressort ensuite par où elle est rentrée. « Fram c’est la seule porte de l’Arctique », commente la climatologue.
Ces entrées d’eau sont de plus en plus importantes. L’océan Arctique s’« atlantifie », il ressemble de plus en plus à l’Atlantique Nord. « Nous pensons que ces courants chauds liquéfient la glace en hiver, parce que l’océan accumule de la chaleur en été et la restitue pendant la saison froide. Cela n’a pas encore été prouvé, mais ce réchauffement hivernal pourrait être une des causes de l’affaiblissement du vortex polaire. » décrit la chercheuse. C’est-à-dire un courant atmosphérique autour du pôle Nord qui isole les courants chauds des courants froids et vice versa.
Les cascades d’eaux profondes
Une seconde inconnue plane en Arctique et pourrait jouer un rôle décisif dans la fonte des glaces : les cascades d’eaux profondes. Le sel marin densifie l’eau qui s’enfonce alors en profondeur. L’hiver, en se formant à partir de l’eau de mer, la banquise rejette de la saumure. Cette dernière entraine l’eau de surface vers le fond, et s’il y a de l’eau qui descend, il y a de l’eau qui remonte. « Ceci a lieu principalement dans les territoires maritimes russes et autour du Svalbard », complète Céline Heuzé.
Des campagnes océanographiques devraient être menées plus régulièrement en hiver et si possible dans l’Arctique russe. Mieux prévoir, pour mieux agir. Les conséquences du changement climatique sont désastreuses à chaque fois que des mesures de ne sont pas prises à temps. Les résultats de ces études devraient encourager les décideurs à mettre les bouchées doubles pour lutter contre le réchauffement climatique et pour s’adapter au climat en pleine mutation.
Camille Lin, PolarJournal
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