Émission sous-marine de méthane dans l’Arctique | Polarjournal
Le navire océanographique répondant au nom d’Helmer Hanssen appartient à l’Université de Tromsø qui le missionne par exemple pour des études climatiques ou des chalutages de fond. Image : Erlend Bjørtvedt / Wikimedia

Alors que l’on peine à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, des scientifiques norvégiens viennent de découvrir une nouvelle source naturelle de méthane qui diffuse depuis les sous-sols de l’océan Arctique.

Le gaz perle d’entre les roches sous-marines, regagne la surface et rejoint l’atmosphère. Une nouvelle source de gaz à effet de serre et plus précisément de méthane vient d’être découverte en Arctique, sous la surface de l’océan. C’est ce qu’ont publié dans la revue Nature, il y a deux semaines, Pavel Serov et ses collègues norvégiens de l’Université Arctique de Norvège et de l’Agence Norvégienne des Produits Pétroliers. Ils inventorient plus de 7 000 fuites entre le cap Nord et l’archipel de Svalbard.

Ces fuites sont naturelles, mais encore peu connues, elles dateraient de la fin de la dernière ère glaciaire, il y a environ 15 mille ans, et se seraient formées lorsque des glaciers se sont retirés, laissant des ouvertures apparentes.

Lors d’une expédition avec le navire océanographique Helmer Hanssen, des instruments acoustiques ont détecté les éruptions de gaz venant du fond. Le gaz s’échappe sous forme de colonnes de bulles qui sont regroupées en grappes de 3 km2 en moyenne et certaines dégazent sans voisine à moins de 500 m. Ces dernières restent cependant rares et ne représentent que 3 % des fuites observées.

D’autres expéditions, comme celle menée par l’Université de Genève et l’association Pacifique à bord du voilier Mauritius, cherchent des indices sur ces sources de méthane. Le gaz est dissous dans la surface de l’eau de mer, et lorsque sa concentration dépasse l’équilibre entre l’atmosphère et l’océan, le méthane passe de la surface à l’air. Image : Pacifique / Twitter

À l’est de l’île aux ours, le plateau de Sentralbanken présente la densité de gaz la plus élevée avec plus de 100 suintements par km2. Deux zones sont également très actives, Storbankenhigh, plus au nord et une près de Kong Karl au Svalbard.
Dans ces zones, les échantillons d’eau sont saturés de méthane du fond à la surface. Les formations géologiques qui sont à l’origine de ces fuites ont été érodées et des ouvertures de 2 à 5 kilomètres de large laissent s’échapper les émanations d’hydrocarbures. Sous ses ouvertures, les réservoirs sont parfois alimentés à travers des failles par d’autres réservoirs plus profonds datant du Paléozoïque.

Couvrant ces fuites, des couches sédimentaires épaisses de 3 à 10 mètres portent des traces de frottement d’anciens glaciers, l’action des retraits et extension de langues glaciaires ont pu balayer le sédiment et réduire cette couche. De plus, ces fuites sont situées sur la bordure du plateau continental dans des zones de soulèvements géologiques qui ont, eux aussi, réduit l’épaisseur de sédiments recouvrant habituellement les réserves d’hydrocarbures.

Des zones comparables ont été repérées près des États-Unis avec 570 suintements. Des conditions similaires font du Groenland et des archipels canadiens des lieux favorables pour poursuivre ces recherches. Les auteurs pensent qu’il existe bien plus de ces sources, cependant la mer de Barents est sûrement la zone du plancher marin avec le plus de fuites de l’Arctique.

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers l’étude : Serov, P., Mattingsdal, R., Winsborrow, M., Patton, H., Andreassen, K., 2023. Widespread natural methane and oil leakage from sub-marine Arctic reservoirs. Nat Commun 14, 1782. https://doi.org/10.1038/s41467-023-37514-9

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