Livre – Belgica, Cauchemar chez les fous | Polarjournal
Cauchemar en Antarctique, la version française du livre de Julian Sancton, Madhouse at the End ofthe Earth de Julian Sancton est également disponible en français.

En 1897, la Belgica quitte Anvers avec Adrien de Gerlache, jeune capitaine à sa tête, Roald Amundsen, le futur grand explorateur en second, un équipage inexpérimenté et indiscipliné, et une demi-tonne d’explosifs : direction le pôle Sud magnétique ! Succès critique sorti en 2021 sous le titre original Madhouse at the End of the Earth. The Belgica’s Journey Into the Dark Antarctic Night, voici enfin la version française, véritable page turner qui nous raconte l’histoire épique du premier hivernage en Antarctique.

Nous sommes le 16 août 1897 lorsque la Belgica quitte Anvers (Belgique) dans la liesse. Commandée par Adrien de Gerlache de Gomer, 31 ans, l’expédition est la première du genre pour la Belgique. Plus de trois ans de préparation auront été nécessaires avant de larguer les amarres pour une destination totalement inconnue à l’époque : l’Antarctique. C’est dire si la responsabilité qui pèse sur les épaules du jeune commandant est grande, d’autant plus que c’est tout le pays qui espère le succès de la mission.

Mais si De Gerlache est un navigateur hors-pair, ses qualités de meneur d’hommes laissent à désirer. Très vite, l’indiscipline règne à bord de la Belgica, frisant même la mutinerie lors d’une escale en Amérique du Sud. Les tensions nationalistes, qui traversent alors l’Europe, se retrouvent aussi à bord de ce puissant trois-mâts au sein d’un équipage éclectique, où nationalités et caractères se côtoient avec plus ou moins de bonheur.

Deux futurs héros polaires

Parmi les dix-neuf membres d’équipage qui prendront le chemin de l’Antarctique, il y a deux hommes qui marqueront de leurs noms l’histoire de l’exploration polaire : Frederick Cook et Roald Amundsen.

Cook et Amundsen. Alors que pour Amundsen, l’expédition du Belgica était considérée comme un exercice grandeur nature pour d’autres projets, Cook a mobilisé toute son énergie dans ses recherches médicales, ses inventions et ses photographies. Il s’est donné pour mission de traquer, comprendre et documenter cette étrange maladie qu’il a baptisée « anémie polaire ». Image : Bibliothèque du Congrès, Washington.

A bord de la Belgica, Cook est en quelque sorte le vétéran de l’expédition. Il a déjà participé à quelques expéditions polaires en Arctique où il a acquis plusieurs techniques de survie auprès des Inuit. Médecin du bord, son inventivité et ses compétences semblent sans bornes : tente polaire, photographie, régime antiscorbut, il inventera même un procédé de la luminothérapie pour soulager ses compagnons de l’absence de lumière qui semble causer tant de dégâts à leur mental et leur physique.

Quant à Amundsen, qui prendra Cook comme modèle, son charisme et son courage impressionnent déjà. Les deux hommes passent des heures à discuter, planifiant déjà dans leurs conversations leurs futurs exploits.

Pris dans les glaces en mars 1898, le Belgica a passé treize longs mois en Antarctique, réalisant le premier hivernage de l’Histoire. Mais l’expédition, mal préparée à bien des égards, sera un cauchemar, l’équipage succombant au scorbut et à la longue nuit antarctique, qui provoquera une étrange maladie que Cook désignera alors par le terme d’anémie polaire.

Maison de fous

Mal encore peu connu à l’époque, Cook en avait déjà eu un avant-goût lors de son expédition avec Peary en Arctique en 1891, mais en Antarctique la forme semblait particulièrement aiguë.

L’Antarctic stare d’Adam Tollefsen. Ce marin expérimenté qui avait auparavant travaillé en Arctique souffrit particulièrement de ce que Cook désigna sous le terme d’anémie polaire. Atteint de paranoïa sévère, il pensait que ses camarades voulaient le tuer. Image : Bibliothèque nationale de Norvège.

Selon les époques et les régions, ce syndrome a pris différents noms. Pibloktoq, cabin fever ou encore Antarctic stare, le syndrome mental d’hivernage, longtemps associé à une forme de folie, trouve dans le journal de bord de Cook sa première description détaillée. Arythmie cardiaque, perte de mémoire, confusion, ralentissement cognitif, fatigue, trouble de l’humeur sont autant de symptômes constatés sur le personnel de bases antarctiques et qui semblent trouver leur source à la fois dans l’isolement et l’absence de lumière liée au long hiver polaire.

Le titre en français n’a pas gardé cette notion de folie, préférant utiliser la mention de cauchemar. Or, c’est bien le terme de « madhouse », figurant dans un article et que l’on peut traduire par maison de fous ou asile, qui avait retenu l’attention de l’auteur.

Journaliste et écrivain américain, Julian Sancton a découvert l’histoire de la Belgica un peu par hasard, en tombant sur un article publié sous le titre Moving to Mars où il était question d’une expérience financée par la NASA sur la dynamique d’un groupe plongé dans l’isolement le plus total à Hawaï. L’auteur de l’article y évoquait alors l’expédition Belgica dont les membres avaient été les premiers à vivre un hivernage en Antarctique, eux aussi dans un isolement complet.

Le lien entre cette histoire et une expérience d’exploration spatiale, ainsi que le personnage de Cook, ont suffi à piquer la curiosité de Sancton, le lançant sur la piste de la Belgica et de son équipage. Après cinq ans de recherche et d’écriture, Sancton nous délivrait un récit captivant, aujourd’hui disponible dans sa traduction française.

Image principale : Collection de la famille De Gerlache

Mirjana Binggeli, PolarJournal

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