Une centaine de scientifiques polaires ont rejoint la capitale du 3 au 5 mai dernier pour présenter et discuter de leurs recherches, ces dernières nourrissant des questions contemporaines. Une occasion pour eux d’échanger sur l’état de la recherche et de se remémorer son histoire. Nous y étions pour les rencontrer.
Dans une ambiance très J’aime Paris au mois de mai (Charles Aznavour), l’arrivée dans l’ancienne mairie du 4e arrondissement de Paris – un immeuble avec cour de 1868, commandé par le baron Haussmann – se fait par les grandes portes cochères de l’actuelle Académie du climat. Dans ce lieu communautaire où des ateliers sont animés toute l’année autour des problématiques climatiques, la semaine dernière, des scientifiques du Comité national de recherches arctiques et antarctiques (CNFRAA) ont déroulé pendant trois jours un panorama des études francophones sous ces latitudes, les plus froides du globe terrestre. Le CNFRAA est aujourd’hui présidé par la juriste spécialiste des pôles Anne Choquet, après avoir été dirigé par la climatologue Catherine Ritz.
Sous les lustres du 19e, les chercheurs en sciences sociales ont parlé des communautés autochtones de l’Arctique. Les anthropologues étudient l’espace de la Maison de la famille au Nunavik qui est un refuge social et un lieu d’échanges dans cette région qui manque de logements, comme dans le reste de l’Arctique canadien. Des refuges où les femmes victimes de violences trouvent du répit, pendant qu’ailleurs elles se font entendre. En effet, une autre étude en cours s’intéresse à l’éventuelle surreprésentation des femmes dans les luttes environnementales, comme lors du blocage du Ministère du Pétrole et de l’Énergie par les Samis en Norvège. Pendant que dans la grande puissance frontalière, la Russie, les Dolganes transmettent leur savoir à l’oral, parfois en chanson, une pratique qui disparait. Enfin, quand le cœur est aux sports, l’ensemble des communautés de l’Arctique se réunit pour une grande rencontre sportive internationale : les Dene Games. Un événement où enjeux et règles diffèrent de la vision olympique.
C’était aussi l’occasion de rappeler que le CNFRAA fête ses 65 ans d’existence et a connu tous les grands noms du milieu comme Claude Lorius ou Paul-Émile Victor. « Au départ, cette société savante était plus dédiée à l’Antarctique, elle représente la France au Scar [Comité international des recherches menées en Antarctique, NDLR], elle est ensuite allée vers le nord. Les sciences humaines et sociales sont en essor, alors que les sciences de la vie dominent avec les géosciences et la physique », constate Anne Choquet un peu avant l’ouverture de la table ronde sur les coulisses des missions polaires : de la logistique à la recherche.
Pour mener des études dans le froid et parfois l’isolement le plus total, l’Institut Polaire Français assure la logistique du matériel et des compétences. Elle met en place une discussion indispensable avec les scientifiques. Catherine Ritz précise : « forcément quand on fait de la recherche on regarde comment on peut la faire, c’est un aller-retour permanent entre ce que veut l’ingénieur et ce que veut le chercheur. »
Les journées ont permis d’ouvrir légèrement le débat sur la question des formes plus opportunistes de logistique polaire. Depuis que les compagnies touristiques offrent des séjours dans les pôles, les scientifiques peuvent emprunter cette voie d’accès aux zones isolées. Seulement, ceci soulève des questions éthiques. Les compagnies utilisent cet appui logistique pour communiquer vers leur clientèle. Certains scientifiques rejettent cette solution et d’autres pensent qu’il faudrait qu’elle soit fortement encadrée. Pour y voir plus clair, une étude en droit et économie est en cours sur le sujet.
D’autres moyens d’accéder à ces endroits encore plus isolés : les éléphants de mer du sud. Ils sont équipés d’appareils pour mesurer l’épaisseur de la glace ou détecter des bancs de poissons. Les oiseaux marins indiquent la présence de polluants… L’année prochaine, les journées scientifiques du CNFRAA fêteront leurs 20 ans, avec comme cet année une cinquantaine de sujets.
Camille Lin, PolarJournal
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