Les députés danois reçoivent une leçon de groenlandais | Polarjournal
Certaines expressions ne nécessitent aucune interprétation (Image : Folketinget)

Comme le Groenland parle de plus en plus pour lui-même, la prochaine étape consistera pour ses représentants à l’assemblée nationale danoise à ne pas avoir à s’adresser à la chambre dans une langue qui n’est pas la leur.

Le Groenland fait partie du Royaume du Danemark. Les lois régissant le Royaume du Danemark sont élaborées par le Folketing. Il est donc logique que les deux législateurs groenlandais qui siègent à l’assemblée s’expriment systématiquement en kalaallisut.

Le fait que ce ne soit pas le cas ne fait que prouver le point de vue d’Aki-Matilda Høegh-Dam. L’une des députées groenlandaises actuelles, Mme Høegh-Dam (photo ci-dessus, en blazer rose), s’est exprimée uniquement en kalaallisut lors du débat annuel sur l’état du royaume qui s’est tenu vendredi. Ses collègues députés avaient été informés à l’avance, mais, à leur grande irritation, sa décision s’est étendue aux réponses qu’elle a données aux questions qu’ils ont posées en danois. Au grand désarroi du président de l’assemblée, cela s’est également étendu à sa réponse quant à la demande de répéter en danois ce qu’elle avait dit. Finalement, elle a dû se résoudre à lui dire « nej » (« non » en danois).

Le choix de Mme Høegh-Dam n’est pas dû à son incapacité à communiquer efficacement en danois ; en effet, elle est née au Danemark et a fréquenté l’université de Copenhague, mais l’intérêt de tenir un discours de 10 minutes dans une langue qu’une seule autre personne dans l’hémicycle comprend était, selon elle, pour montrer aux 177 autres membres du Folketing ce que c’est que de voir ses lois débattues dans une langue que l’on ne comprend pas.

C’est, selon elle, ce que le Folketing a toujours fait en débattant de lois qui ne s’appliquent au Groenland qu’en danois, une langue qui, si elle est parlée, l’est généralement en tant que seconde langue au Groenland. Les habitants du Groenland trouvent cette situation « humiliante », a-t-elle déclaré. Elle estime que le fait que les législateurs danois s’attendent à entendre leur propre langue ajoute à l’insulte, ce qui lui prouve qu’ils considèrent le Danemark comme le premier parmi les membres du royaume, alors que, sur le papier, ils sont égaux.

Aki-Matilda Høegh-Dam, vêtue d’une tenue traditionnelle groenlandaise, pose avec la Première ministre danoise Mette Frederiksen lors de l’ouverture de la législature le 4 octobre (Photo : Aki-Matilda Høegh-Dam / Facebook).

Bien que le danois soit la langue officielle de tout le royaume et la langue de travail du Folketing, l’assemblée n’interdit pas les interventions en langue étrangère, et Mme Høegh-Dam a fait valoir que le groenlandais (ainsi que le féroïen, la langue de l’autre membre du royaume) devrait être attendu lors des débats qui concernent directement le Groenland et les îles Féroé, comme ce fut le cas lors du débat de vendredi.

« Parler uniquement en danois dans l’hémicycle est un vestige du colonialisme », a-t-elle déclaré. « Si le Danemark est vraiment un royaume d’égaux, nous devons être capables de respecter nos langues respectives. »

Selon Mme Høegh-Dam, la présidente avait été informée une semaine à l’avance qu’elle tiendrait ses propos en groenlandais. Si elle s’attendait à recevoir du Folketing le même traitement que celui réservé aux législateurs non-Kalaallisut lorsqu’ils s’adressent au Parlement national du Groenland, où l’interprétation dans les deux sens est une évidence, elle a dû être déçue : il n’y avait pas d’interprète. Même sans cela, son message semble être passé haut et fort.

Kevin McGwin, PolarJournal

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