Un échange culturel, Ittoqqortoormiit passe en France | Polarjournal
Le village dont sont originaires les heureux visiteurs groenlandais compte 352 habitants et compte parmi eux l’un des plus grands chasseurs d’ours de l’île. Image : Camille Lin

Vendredi dernier en Bretagne, des jeunes groenlandais accompagnés de leur professeur d’anglais et de sciences, visitaient Rennes. Un échange organisé par Greenlandia, une association qui entretient les relations presque centenaires entre le village d’Ittoqqortoormiit au Groenland et la France.

Dans les couloirs de Sciences Po Rennes, sur les 5 mètres précédant l’entrée dans la salle de réunion, un des jeunes Groenlandais âgés de 12 ans danse penché en avant, sautant d’un pied sur l’autre. Vendredi dernier, une petite délégation groenlandaise visitait la ville de Rennes, l’une des étapes d’un échange culturel organisé par l’association Greenlandia, un groupe qui maintient les relations presque centenaires entre la France et Ittoqqortoormiit.

Arrivé en France le 3 mai, sept jeunes et deux professeurs du village d’Ittoqqortoormiit visitent la Bretagne et la région parisienne. « Nous n’étions pas sûrs de pouvoir les accueillir jusqu’à quelques semaines avant leur départ, les billets d’avion ont pris beaucoup de valeurs avec l’inflation », nous explique Vincent Hilaire, directeur exécutif de l’expédition Greenlandia, un projet de dix ans qui facilite la visite des Français et des Groenlandais dans chaque pays.

Il me raconte lors de la visite qu’il a rencontré Juulut en 2015. Cet enseignant d’anglais et de mathématiques est l’ancien maire du village d’Ittoqqortoormiit. Vincent Hilaire faisait escale en voilier et a été accueilli par la communauté du village « comme un membre de la famille ». En 1936, le groupement de maison avait hébergé les Français des missions d’exploration de Jean-Baptiste Charcot. « Il était très important pour notre communauté », précise Juulut en marchant à Rennes. Vincent, à côté, ajoute : « Charcot a soigné ces gens lors d’une épidémie de tuberculose et il a apporté son soutien pour la construction de maisons ». Une histoire que les grands-parents de Juulut lui ont racontée.

Il n’est plus maire d’Ittoqqortoormiit depuis que l’administration a regroupé plusieurs municipalités entre elles. Mais cela ne change en rien sa posture et la mission dont il s’est investi. Le gouvernement du Groenland souhaite élever le niveau d’étude de l’île pour faire face aux enjeux futurs. Ceux-ci sont dessinés par les modifications climatiques, la présence de ressources minières sur l’île et leur volonté d’indépendance. Si aujourd’hui les regards se tournent vers le Nord, Juulut fait un maximum pour que les jeunes de son village aient un coup d’avance. C’est une des raisons de sa venue en France avec Greenlandia et la visite de Sciences Po Rennes.

Vendredi dernier, ils visitent donc l’Institut d’études politiques à Rennes, accueillis par la direction. Nicolas Escach connait Nuuk où il a enseigné les sciences politiques pendant quelques semaines. L’école reçoit et envoie chaque année des étudiants dans la principale ville du Groenland. Nos visiteurs n’ont que 12 ans, mais l’échange est assez fort.

À la fin, quand Nicolas Escach demande aux adolescents ce qu’ils pensent de la France, ceux-ci répondent les uns après les autres : « C’est super, mais il fait très chaud. Il y a plein de magasins. Plein d’étudiants. Beaucoup de « tout ». C’est très vert. » Même pour le professeur d’Ittoqqortoormiit, la taille des chênes dans le parc du centre de Rennes, est impressionnante.

« La nature est au centre de leur mode de vie, c’est aussi ce qui est intéressant dans cet échange culturel. Depuis qu’ils sont là, ils sont complètement captivés par les animaux », ajoute Vincent Hilaire. Ittoqqortoormiit a été construit en 1924, par 12 familles de chasseurs dans l’est du Groenland. « Mon grand-père a été le dernier à quitter l’ancien village pour ce nouveau lieu de vie », raconte Juulut. Placé à la sortie d’un fjord, il était plus riche en animaux et constituait un poste de surveillance pour les Danois.

Un lieu que des jeunes du collège de Fontenay, en Bretagne, ont visité en 2022 avec l’aide de Greenlandia. « Les villageois nous ont amenés au pied des glaciers avec des chiens de traineau », se souvient Etienne Walger, membres de l’association. Une visite préparée un an plus tôt par les deux classes par visioconférence, en anglais. Les français ont rédigé un lexique des mots du quotidien en est-groenlandais, le tunumiisut. Ces préparatifs ont fait office de fil rouge aux classes respectives, recoupant les problématiques climatiques, énergétiques et culturelles. À leur retour, les Français ont animé une dizaine d’événements en lien avec leur voyage.

Le voyage a couté 80 000 euros, financé par Erasmus, le département et les familles. La prochaine visite devrait être celle du collège Bartholdi, en région parisienne. Greenlandia a pour projet de rebâtir la « maison des Français » à Ittoqqortoormiit, un bâtiment désaffecté construit à l’emplacement de la station polaire de Charcot dans le village.

Camille Lin, PolarJournal

En savoir plus sur le sujet :

Print Friendly, PDF & Email
error: Content is protected !!
Share This