Le sol d’une île, non loin de la péninsule Antarctique, est le théâtre d’une puissante métamorphose. Une larve d’insecte introduit par l’être humain produit des minéraux favorables aux champignons et aux plantes.
La petite île du nom de Signy se situe au sud de l’archipel austral des Orcades. Ce bout de terre héberge une espèce introduite, native de la Géorgie du Sud, arrivée dans les années 60. Le moucheron Eretmoptera murphyi ne vole pas, mais il est assez actif pour changer la nature du sol. En 2018, dans les sites qu’il colonisait, des chercheurs ont découvert que le poids l’ensemble des individus de l’espèce dépassait le poids celui des arthropodes natifs. Le moucheron et ses larves pesaient 2 à 5 fois plus. Ce mois-ci, une étude publiée dans Soil Biology and Biochemistry montre que ses larves décomposent la matière organique des sols à une telle vitesse que les pentes attenantes à la base scientifique de l’île sont aussi concentrées en azote que les colonies de phoques et de pétrels.
Derrière la station du British Antarctic Survey dans la crique de Factory Cove, Dr Jesamine Bartlett de l’Institut norvégien pour la nature et de l’Université de Birmingham et ses collègues ont mesuré la teneur en minéraux des terrains en pente. « Les sols de l’Antarctique sont très pauvres en nutriment parce que la vitesse de décomposition de la matière organique est très lente. explique Dr Jesamine Bartlett au British Antarctique Survey. Les nutriments sont pourtant là, mais il a fallu cette espèce invasive sur l’île de Signy pour les libérer. Il [ce moucheron] est une espèce ingénieure comparable aux vers de terre des sols des régions tempérées. »
Les chercheurs ont compté jusqu’à 83 000 larves par mètre carré appartenant à l’espèce de moucheron. Elles ne mesurent que quelques millimètres. Introduites par les scientifiques dans les années 60, elles se sont propagées à travers l’île sous les bottes des scientifiques et des touristes. La larve serait capable de résister à l’eau de mer pendant quelque temps, et pourrait se propager aux îles voisines.
Dans le sol, cette accélération du cycle de l’azote défavorise les bactéries et les algues microscopiques à la faveur des champignons. Ceci pourrait affecter les constructions historiques en bois (voir article PolarJournal sur le sujet), mais surtout les autres animaux du sol comme les collemboles et les acariens qui se nourrissent de champignons. Cette fertilisation pourrait offrir de nouveaux espaces aux plantes natives.
Mais l’azote toujours plus disponible est une aubaine pour d’autres espèces de plantes importées qui pourraient devenir invasives. Elles sont pour l’instant freinées par le manque de terre fertile. Dr. Peter Convey, écologue et coauteur de la publication, constate : « Cette étude montre qu’un tout petit animal peut avoir un énorme impact. »
Camille Lin, PolarJournal
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