Scientifiques et pêcheurs étudient le krill ensemble | Polarjournal
Une douzaine de navires de nations différentes pêchent le krill. Image : Daniel Beltrá / Greenpeace

Une flotte de chalutiers exploite une ressource clé de l’océan glacial Antarctique, le krill, en-dessous du seuil de précaution. Une information confirmée par une étude qui implique les pécheurs dans le suivi scientifique.

L’archipel des Orcades du Sud, au large de la péninsule Antarctique, est entouré de courants riches en krill qui attirent manchots, phoques, baleines et chalutiers. Georg Skaret de l’Institut (norvégien) de Recherche Marine et ses collègues ont profité de la présence de ces navires pour suivre l’évolution du krill au cours de la décennie 2011-2020. En mer de Scotia en 2019 ces données ont été fournies par l’Association of responsible krill harvesting companies – un groupement d’armateurs représentant 90 % des captures de krill. Des observations qui s’ajoutent à celles des navires de recherche.

Leurs résultats viennent de sortir dans Journal of Marine Science. Les eaux des Orcades du Sud sont les plus prolifiques en krill de la mer de Scotia et au vu de la biomasse mesurée, les pêcheurs capturent moins de 9,3 % du krill de cette région, ce qui est en accord avec le principe de précaution de la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR).

La CCAMLR n’a pas encore mis en place des objectifs de gestion des pêcheries de krill prenant en compte les prédateurs marins qui en dépendent, sinon ce principe de précaution. « Il est néanmoins très important que l’industrie, les scientifiques, les gestionnaires et les autres parties prenantes aient une compréhension mutuelle des compromis qui sous-tendent la gestion de cette ressource. » constate Georg Skaret.

En mode science

Les chercheurs ont trouvé pratique d’utiliser des navires de pêche car ils sont présents presque toute l’année dans cette zone reculée. Les pêcheurs norvégiens passent la majeure partie de l’année au large de la Géorgie du Sud, des Orcades du Sud et des Shetland du Sud. Les navires océanographiques sont coûteux d’un point de vue logistique et les campagnes sont peu nombreuses. La présence des navires de pêche augmente donc la qualité des mesures. « Ils sont équipés d’échosondeurs et de sonars que nous calibrons à des fins scientifiques. L’expérience des pêcheurs et les données historiques des captures font partie des connaissances qui nous permettent de définir l’effort de suivi des populations. » décrit-il.

En Norvège, la licence nationale de pêche du krill prévoit que les entreprises s’engagent à réaliser un suivi annuel. « Il va sans dire que les pêcheurs sont impatients de travailler et pas nécessairement de mener des études scientifiques, mais dans un contexte plus large, la collaboration et la compréhension mutuelle entre les pêcheurs et les scientifiques se sont avérées très fructueuses et pourraient également contribuer à améliorer la gestion du krill. » commente-t-il.

Le krill est un petit organisme qui sait nager, mais sur de grandes distances, ce sont les courants qui les déplacent et déterminent sa distribution. « L’agrégation de krill est généralement associée aux bordures des plateaux continentaux, où des tourbillons et l’absence de courants d’advection les concentrent. » explique-t-il. Ces agrégations peuvent atteindre jusqu’à plusieurs kilomètres et s’étendent sur des centaines de mètres en profondeur. « Ces grandes agrégations peuvent persister pendant des jours, voire des semaines, puis se résorbent. » précise Georg Skaret.

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers l’étude : Skaret, G., Macaulay, G.J., Pedersen, R., Wang, X., Klevjer, T.A., Krag, L.A., Krafft, B.A., 2023. Distribution and biomass estimation of Antarctic krill (Euphausia superba) off the South Orkney Islands during 2011–2020. ICES Journal of Marine Science fsad076. https://doi.org/10.1093/icesjms/fsad076

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