Le tourisme de croisières au Groenland pourrait s’améliorer | Polarjournal
L’établissement d’une stratégie de gestion et de développement durable et soutenable devrait permettre de générer des revenus, des emplois et des formations pour la population locale sans causer de friction avec elle. Image : MSC Cruises via cruiseandferry.net.

Visit Greenland vient de publier une étude sur l’industrie des croisières au Groenland. L’organisation dresse le tableau du tourisme de croisières sur l’île et présente ses recommandations pour un développement durable et soutenable.

Dans les années 1980, lorsque les exploitants de navires de croisière ont commencé à ajouter le Groenland à leurs itinéraires, les passagers étaient rares. Aujourd’hui, ils sont plus de 40 000 par an et les bateaux de croisière transportent la moitié des visiteurs du pays. Un rapport récent suggère que, contrairement à une croyance populaire, ils apportent une contribution significative à l’économie et pourraient encore plus contribuer.

Lancée l’automne dernier par Visit Greenland, office national de tourisme, l’enquête qui vient d’être publiée a été menée en collaboration avec les opérateurs de croisières, les autorités, les acteurs locaux du tourisme et des affaires. Parmi les constats du rapport, le Groenland pourrait augmenter les taxes sur les navires de croisières, ainsi que la qualité de ses ports et de ses infrastructures. 

« Le but de l’étude était de cartographier et d’éclairer les défis et les potentiels de l’industrie des croisières groenlandaises, en vue d’avoir une meilleure idée de l’industrie et, ainsi, renforcer le développement durable de la région », mentionne Anne Nivíka Grødem, directrice de Visit Greenland.

Introduit en 2016, le Groenland applique un système de redevance portuaire de 1,10 DKK par tonne brute. En 2022, cette seule taxe a rapporté 7,5 millions de DKK (1 million d’euros) au trésor public.  Elle a remplacé la taxe par passager introduite en 2003. Considérée comme la taxe la plus élevée du monde (525 DKK par passager), elle est probablement responsable d’une baisse de l’affluence entre 2010 et 2014. 

L’industrie des croisières au Groenland a débuté dans les années 1980. D’abord lent, son développement s’est accéléré ces dernières années pour atteindre 46 633 passagers en 2019 (soit la moitié du nombre de touristes au Groenland). Une année record et un nombre important de visiteurs pour une île peuplée de 56 000 habitants. Graphique : bank.stat.gl.

La taxe portuaire, quant à elle, a permis aux navires particulièrement grands de réaliser d’importantes économies (jusqu’à 93 %), rendant le Groenland deux à trois fois moins cher que d’autres destinations arctiques.

Les croisiéristes se disent eux-mêmes prêts à payer plus si cela se répercute sur les installations portuaires ou dans les villes et villages. Nombre de ports et de lieux où les passagers sont débarqués souffrent souvent du manque d’infrastructures, parfois même basiques (telles des toilettes), ce qui entraînent des tensions avec les habitants locaux.

Un système fiscal mieux adapté pourrait générer des revenus et assurer le développement d’infrastructures, la création d’emplois et la formation. Associé à une taxe environnementale, ce nouveau système permettrait de compenser la pollution engendrée par les navires.

L’enquête démontre que les navires de croisières conventionnelles ou d’expédition sont perçus différemment par les acteurs interrogés. Les grands navires (1 200 passagers ou plus) sont préférés par certains au vu du nombre de passagers qu’ils débarquent et des possibilités de revenus. Cependant, ils nécessitent des infrastructures importantes et le Groenland ne constitue souvent qu’une escale parmi d’autres. 

Les navires d’expédition sont plus intéressants pour d’autres. Leurs passagers sont expressément venus pour visiter le Groenland. Ils y restent donc plus longtemps, consomment plus de produits locaux et démontrent un plus grand respect pour les communautés où ils débarquent. Cependant, leurs itinéraires incluent souvent des débarquements dans des zones inhabitées ou des réserves naturelles. Le contrôle sur ce qu’il s’y passe est alors impossible.

Accueillant, mais dans une certaine limite

En règle générale, le tourisme est perçu positivement par la population groenlandaise. Dans le cadre d’une enquête menée en octobre 2022, Visit Greenland avait interrogé 2 189 personnes sur leur avis à l’égard du tourisme. Quatre-vingt-treize pour cent s’était déclaré favorables au tourisme et 78,4 % favorable au tourisme de croisières, estimant que les croisiéristes contribuaient de manière positive à la société groenlandaise.

Le Groenland a plusieurs fois manifesté sa volonté de ne pas se laisser envahir par le tourisme de masse, comme sa voisine, l’Islande. Des appels à limiter l’affluence de navires et de passagers à un navire et 1 000 visiteurs par jours se sont faits entendre, notamment à Ilulissat, destination la plus populaire de l’île, qui avait vu 6 000 touristes débarqués en un seul jour en 2022. 

Pour consulter l’étude (uniquement en danois) : https://traveltrade.visitgreenland.com/da/wp-content/uploads/2023/05/Cruise-report-Kortlaegning-af-den-groenlandske-krydstogtindustri-2023.pdf

Mirjana Binggeli, PolarJournal

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