Un examen de la recherche sur les grandes espèces maritimes de l’Arctique montre que seules quelques espèces et quelques régions retiennent l’essentiel de l’attention.
Les recherches sur les grands animaux marins de l’Arctique se concentrent essentiellement sur les espèces les plus charismatiques ou les plus rentables, laissant des espèces entières sous-étudiées, bien que leur comportement puisse offrir des indications précieuses sur la manière dont l’écosystème de la région est perturbé par le réchauffement climatique, selon les conclusions d’un récent article.
L’étude, publiée dans Trends in Ecology & Evolution, a passé en revue les études sur la mégafaune marine de l’Arctique publiées au cours des cinq dernières années. Elle a constaté que les ours polaires faisaient l’objet d’un article sur quatre, tout en mettant en avant qu’il faudrait disposer de plus d’informations sur d’autres types d’animaux, notamment sur leur taille, leur régime alimentaire, leur aire de répartition et leur exposition aux polluants et autres agents nocifs, pour comprendre pleinement les effets du réchauffement climatique sur la région.
Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs, David Grémillet, océanographe et directeur de recherche au CNRS, et Sébastien Descamps, de l’Institut polaire norvégien, ont passé en revue les études relatives à la mégafaune arctique (poissons, méduses, céphalopodes, oiseaux de mer et mammifères marins) publiées au cours des cinq dernières années.
Portant sur 250 publications, l’étude a révélé que 36 % des études portaient sur les poissons. En particulier, la morue de l’Atlantique (Gadus morhua) et la morue polaire (Boreogadus saida). Le deuxième animal le plus étudié est l’ours polaire (Ursus maritimus). Il fait l’objet de 20 % de toutes les études publiées. A l’inverse, les céphalopodes ont fait l’objet de très peu de recherches. Les deux espèces les plus abondantes de l’Arctique, Rossia palpebrosa et Gonatus fabricii, n’ont fait l’objet que de deux études de cas. En ce qui concerne les oiseaux, c’est le guillemot de Brunnich qui retient l’attention ; il a fait l’objet de la moitié des articles consacrés aux oiseaux de mer.
Cette différence trouve une explication dans la valeur donnée à ces animaux. « Ces espèces ont été les plus étudiées parce qu’elles ont une grande valeur commerciale (morue de l’Atlantique), jouent un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes (morue polaire) ou sont emblématiques de l’Arctique (ours polaire) », indique le document.
Les auteurs ont également constaté un fort biais géographique. Les eaux américaines de l’Alaska totalisent 136 études alors que les eaux russes n’en comptent que six. « La première conclusion importante de notre examen est que les connaissances existantes sur les impacts du changement climatique sur
Cependant, la recherche pourrait progresser grâce aux technologies modernes de collecte de données à distance à grande échelle, telles que les satellites, les drones, les dispositifs de bio-logging ou les ordinateurs capables d’enregistrer, de stocker et de transmettre des observations.
Les auteurs considèrent également les initiatives de science citoyenne comme un moyen de collecter des informations sur la répartition et l’abondance des espèces, ainsi que sur d’autres domaines qu’ils qualifient d' »angles morts scientifiques ». Une telle approche pourrait également contribuer à autonomiser les communautés autochtones et à les faire participer à la recherche scientifique.
Le document présente dix pistes de recherche qui portent à la fois sur la mégafaune marine arctique elle-même et sur les outils qui permettraient de mener des recherches dans une zone aussi vaste et inhospitalière que l’Arctique, y compris l’interaction avec les populations locales.
Mirjana Binggeli, PolarJournal