Sur l’île de Mayes, dans le golfe du Morbihan des îles Kerguelen, les pétrels à tête blanche se divisent en deux catégories, ceux qui se reproduisent tous les ans et ceux qui ne reviennent qu’une année sur deux. Une découverte récente qui pose question sur leur résistance face aux prédateurs introduits.
L’île de Mayes, temple de l’ornithologie polaire, héberge un observatoire bientôt quarantenaire, où nichent plusieurs espèces de pétrels, creusant des nids dans les pentes tourbeuses en contrebas des parois rocheuses qui dominent les rives de la petite île. Les entrées des tunnels se perdent entre des touffes d’acaenas, des choux de Kerguelen et des plantes introduites par l’être humain comme des variétés de graminées.
Le jour les oiseaux attendent à l’abri de leurs prédateurs naturels : le pétrel géant, le labbe ou encore le goéland dominicain. « La nuit il y a des milliers d’oiseaux qui volent dans le ciel partant ou revenant de la mer », explique Christophe Barbraud, chercheur au Centre d’Étude Biologique de Chizé, lié à l’Institut Polaire Français, principal auteur d’une étude toute récente sur le pétrel à tête blanche. Les scientifiques ont découvert que le pétrel à tête blanche ne se reproduit pas tous les ans comme le font ses congénères du genre Pterodroma, littéralement les coureurs ailés.
Il est le plus grand des ptérodromes au monde avec ses 1,05 mètre d’envergure en moyenne pour 700 grammes de masse corporelle. Les derniers résultats publiés dans le Journal of Ornithology en juin dernier montrent que deux tiers des individus qui ont réussi à élever leurs poussins jusqu’à l’envol sautent une saison de reproduction avant de revenir sur l’île de Mayes.
L’autre tiers revient nicher dès l’année suivante. « On observe que le succès reproducteur de ces oiseaux est alors moins bon », précise le chercheur. Ces pétrels prennent moins de temps pour reprendre des forces et changer de plumage entre les deux saisons. Cet intermède ne dure alors que 4 mois au total en plein hiver.
Ce ptérodrome arrive plus tôt pour nicher et repart plus tard que d’autres oiseaux marins de l’île. « Ils arrivent en septembre et repartent en mars, alors que le pic de la production de nourriture en mer c’est en janvier-février », rappelle le chercheur. Cette stratégie leur permettrait d’éviter la compétition avec les autres espèces en allongeant le temps de reproduction.
Le pétrel à tête blanche se reproduit un peu plus vite que le grand albatros qui niche une année sur deux, mais moins vite que les espèces annuelles comme les pétrels noirs ou soyeux. La perte d’un adulte est donc plus dommageable pour l’espèce qu’estimé jusqu’alors. Ce qui la rend plus vulnérable aux prédateurs terrestres introduits sur l’archipel tels que le chat haret ou le rat surmulot.
Dix mille couples de pétrels à tête blanche peupleraient Kerguelen. Une population difficile à estimer sur un territoire est aussi vaste que la Corse. Les chercheurs pensent que leur taux de survie serait moins élevé là où les chats sont présents. Contrairement à l’île de Mayes, des restes d’ailes jonchent le sol de colonies comme celle du canyon de Sourcil Noir sur la presqu’île Jeanne d’Arc.
Camille Lin, PolarJournal
Lier vers l’étude : Barbraud, C., Joubert, D., Delord, K., 2023. The demography of the White-headed Petrel at Mayes Island, Kerguelen. J Ornithol. https://doi.org/10.1007/s10336-023-02079-3.
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