Un voilier familial au service de la science française au Groenland | Polarjournal
Vagabond s’arrête à Ipiutaq lors de l’été 2011 pour se ravitailler en eau douce. Photo : Éric Brossier

L’équipage permanent de Vagabond, qui sillonne l’Arctique depuis plus de 20 ans pour la science, reçoit une équipe de géologues de l’Université de Bretagne Occidentale dans le sud du Groenland.

Mardi dernier, Éric Brossier, capitaine du voilier Vagabond, s’est rendu comme prévu à l’aéroport international de Narsarquaq situé dans un village de 120 habitants au sud du Groenland. Une équipe de géologues soutenue par l’Institut Polaire Français devait le rejoindre pour étudier la roche de Gardar en utilisant son voilier comme camp de base flottant. Nous avons pu le joindre par téléphone lorsqu’il s’est connecté sur le réseau wifi de l’aéroport, sa connexion satellitaire étant limitée le reste du temps.

Éric Brossier et France Pinczon du Sel naviguent avec Vagabond depuis plus de 20 ans en Arctique. « J’ai contacté l’Institut Polaire Français qui m’avait envoyé aux Kerguelen dans le cadre de mon service national, ils m’ont fait confiance tout de suite », expliquait-il lors du colloque sur la navigation dans les glaces organisé à Marseille en juin dernier par l’association Pôles Actions.

Ils ont ainsi servi de support logistique pour de nombreux programmes de recherche, traversant par exemple le passage du Nord-Est et du Nord-Ouest en 2003, vécu 12 hivernages dans l’Arctique et eu deux filles entre 2007 et 2009.

Depuis 1999, le voilier s’est déjà retrouvé piégé dans la glace, dérivant vers la côte, poussé par le vent et la houle, mais au-delà de quelques frayeurs, leur route se conjugue bien avec la glace et les habitants des lieux.

Le 3 juillet dernier, après avoir traité la coque contre les algues et retouché la peinture des parties immergées, ils sont partis de Saint-Pierre et Miquelon pour le Groenland sur un air de musique celtique. Pendant la traversée, quelques dauphins à flanc blanc sont venus pointer leurs becs.

Arrivés à Narsaq d’entre les glaces, ils se sont amarrés à côté du voilier Pangaea, appartenant à Mike Horn. « Dans le sud du Groenland, c’est sûr, c’est moins engagé comme navigation, mais il faut faire gaffe aux coups de vent, et aux icebergs qui ne sont pas visibles au radar, cachés par la houle », décrit-il au téléphone en voyant se poser l’avion avec les géologues à bord.

Depuis le 16 juillet, le bateau mouille dans les fjords autour de Gadar et Igaliku, avec beaucoup de morues sous la coque, des pygargues à queue blanche au-dessus de la tête et des baleines à bosse à quelques encablures. Image : Éric Brossier

Cette partie du Groenland est un paradis pour les touristes qui visitent les ruines du palais épiscopal de Gardar classées au patrimoine mondial de l’humanité, lorsqu’un navire de croisière fait escale, la population du village triple. Les moutons aussi sont à leur aise dans les prairies de la région de Narsaq qui abat 18 000 bêtes par an pour leur viande.

La végétation n’aide pas forcément les géologues qui cherchent des affleurements de roches. Ils étudient la tectonique des plaques et les mouvements magmatiques. Il y a un peu plus d’un milliard d’années, le manteau rocheux soumis à d’importantes forces de traction s’est fissuré, laissant des espaces « hors normes », jusqu’à 1 000 mètres de large, au magma sous pression qui s’est injecté dans des fissures verticales, pendant des dizaines de millions d’années.

Les géologues, comme Laurent Geoffroy de l’Université de Bretagne Occidentale, enquêtent sur les propriétés mécaniques du continent de cette époque révolue pour pouvoir estimer plus finement la vitesse du refroidissement permanent de la Terre.

Le projet Protero-Litho2 se répétera durant trois ans au moins, appuyé par l’Institut Polaire Français, cette première année commence par les repérages et les premières expérimentations. « On passe pas mal de temps sur le terrain à identifier les failles, l’an prochain, on se rapprochera peut-être du front des glaciers », nous explique Éric Brossier, avant que la conversation se termine.

La prochaine mission estivale de Vagabond sera l’étude d’une algue calcaire, la coralline, formant des petits récifs calcaires dans les fjords de l’Arctique. Pour l’occasion, Éric Brossier vêtira un équipement de plongée adapté aux eaux froides. Une fois de plus, le voilier sera une plateforme pour la science des régions polaires, comme il l’est depuis si longtemps.

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers le site de Vagabond

Lien vers le site de l’Institut Polaire Français

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