La Fondation Pacifique embarque à son bord des jeunes scientifiques pour le passage du Nord-Ouest en commençant par l’Atlantique Nord entre Terre-Neuve et le Groenland, puis la côte Ouest de Kalaallit Nunaat.
Le voilier Que Sera vient de terminer son escale à Pond Inlet au Nunavut. Cette étape marque un point central dans l’expédition de Pacifique en Arctique qui cette année tente de traverser le passage du Nord-Ouest. Nous vous avions présenté le projet il y a deux mois, voici la suite de cette aventure scientifique et pédagogique.
Pour rappel, la Fondation Pacifique accueille habituellement à bord de ses deux voiliers des adolescents, des jeunes hommes ou jeunes femmes qui ont vécu une rupture avec la société ou leur famille. Ces derniers peuvent voir autre chose, réfléchir à un projet et s’aguerrir à la vie embarquée, l’expérience polaire étant un peu trop extrême pour ce public, Pacifique a mis l’accent sur la science et l’accueil de jeunes chercheurs, également en quête de découverte.
« Cela m’a permis de découvrir cet aspect du métier de scientifique que j’avais jamais fait”, nous a-t-elle expliqué, de retour à l’Université de Genève après son arrivée à Pond Inlet. Je voulais travailler sur un projet lié au changement climatique, pour mon stage de master, j’ai contacté le professeur Daniel McGinnis. Il m’a parlé de l’expérience unique et incroyable de scientifique à bord. »
Avant de partir, elle s’est initié à la voile sur le lac Léman, son unique expérience à bord d’un navire consistait en une promenade touristique. « Je savais que j’avais un peu le mal de mer et quand on a traversé la mer de Baffin, là, j’ai eu mal », a-t-elle ajouté. Elle s’est aussi entraînée en montagne pour le sauvetage et la sécurité avec le Swiss Polar Institute.
« C’était une expérience incroyable, hors de ma zone de confort et j’ai eu de la chance avec l’équipage », tient-elle à préciser. Maria Sabogal s’est chargée de relever des échantillons d’eau de mer tout au long du parcours de Que Sera pour Daniel McGinnis de l’Université de Genève. Ce dernier étudie les échanges de dioxyde de carbone et le méthane entre l’atmosphère et l’océan Arctique avec ses étudiants.
Ces zones de l’océan sont peu observées par rapport à l’importance qu’elles jouent dans le fonctionnement du climat et les changements qu’elles subissent. Par exemple, l’eau de fonte des glaciers adoucit l’eau de mer, ce qui modifie les mouvements physiques de l’eau, l’activité photosynthétique et animale ; et tous jouent un rôle dans les échanges gazeux entre l’atmosphère et l’océan.
« Nous devons aussi veiller à ce que les communautés locales bénéficient des projets de recherche, nous explique Marion Cherrak, coordinatrice scientifique de Pacifique. C’est surtout vrai au Canada, qui est très attentifs à cela, nous formulons donc des demandes de permis, traduites en inuktitut. » Cette dernière a coordonné la mise en place de l’équipement du Que Sera pour qu’il puisse prendre des données en continu dès son départ de Terre-Neuve.
En juin dernier, l’équipage a pris possession du Que Sera, à Terre-Neuve. Mi-juin le navire est parti avec l’intention d’arriver début juillet à Qeqertarsuaq au sud de Disko Island. « La traversée s’est bien passée, nous explique Pere Valera Taltavull, capitaine du voilier, nous avons traversé une petite dépression, pas trop de vent de face, une trentaine de nœuds, on a pu faire du près. Notre route était un peu trop vers cap Farvel, on a donc dû corriger, puis on a réussi à remonter au portant avec un peu de moteur. »
Quand le vent est tombé, un groupe d’hyperoodons boréaux est apparu juste à côté du bateau, une espèce rare classée par le Canada parmi les espèces en danger. Cette baleine à bec est connue pour plonger à plus 2 339 mètres, ce qui la classe parmi les mammifères marins qui plonge le plus profondément. « Leurs souffles sortaient d’une mer plate comme un miroir », décrit-il.
Début juillet, ils étaient entre Qeqertarsuaq et Ilulissat pour récupérer les scientifiques et un artiste venu à bord pour documenter l’expédition. Quelques ajustements sur le gréement : « renvois de voiles, refaire un peu les ris, mais pas de grosses modifications ». C’est la 3e fois que Pacifique vient à Qeqertarsuaq, où ils ont passé un hiver. Très familiers avec certains habitants, ils ont été accueillis avec le fruit de leur chasse, du matak, c’est-à-dire de la peau de narval préparée, et du bœuf musqué.
« J’ai eu l’occasion rencontrer les habitants, ils sont très sympas, ils nous ont ouvert la porte de leurs maisons et ils étaient très curieux de voir ce que nous faisions là, qui on était, ils nous saluaient tout le temps quand on arrivait au port, se rappelle Maria Sabogal, j’ai eu des échanges sur le changement du climat et comment ils le vivent. À Ilulissat, le gérant de l’hôtel disait que les hivers peuvent être longs, ou parfois très court, ce qui impacte les pêcheurs, avant les saisons étaient régulières et marquées. »
Que Sera a ainsi remonté la côte Ouest de Kalaallit Nunaat vers Upernavik puis Nuusuaq avant de traverser vers Pond Inlet, fin juillet, pris dans un bouchon de brume.
Camille Lin, PolarJournal
Lien vers le site de Pacifique
Lien vers une étude connexe
Lien vers le Département François-Alphonse Forel des sciences de l’environnement et de l’eau de l’Université de Genève
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