Une étude menée aux abords d’une station australienne révèle une pollution marine conséquente liée à une mauvaise gestion des déchets.
Arsenic, fer, cuivre, plomb, cadmium, polychlorobyphnyles, phosphate ont été retrouvés dans des sédiments marins autour de la station australienne de Casey en Antarctique, comme le démontre une étude publiée récemment et portant sur une période de vingt ans. Cette pollution, engendrée par une politique de gestion des déchets à l’époque mal encadrée, a entraîné des répercussions durables sur l’environnement proche de la station. Si l’étude ne concerne que la station australienne de Casey, des conclusions similaires pourraient tout à fait s’appliquer aux autres stations antarctiques, en particulier les plus anciennes.
L’Antarctique compte actuellement 112 stations de recherche. Plus d’un tiers d’entre elles a été construit avant 1980, à une époque où peu d’attention était accordée aux impacts environnementaux des activités humaines. Les déchets étaient généralement éliminés dans des décharges, sur la glace de mer ou directement dans l’océan.
Dès 1990, sous l’impulsion du Protocole de Madrid, on commence à penser à la gestion de l’environnement et les déchets sont désormais exportés pour être traités hors du continent. Néanmoins, les anciennes pratiques auront laissé un héritage de contamination environnementale, comme le montre une étude publiée récemment dans la revue scientifique Plos One et portant sur la station australienne de Casey. « Comme la plupart des stations sont situées dans des zones côtières, cela peut entraîner une contamination des environnements marins locaux, avec des sources telles que les rejets d’eaux usées, les déversements d’hydrocarbures et les sites d’élimination des déchets. », indique Jonathan S. Stark, chercheur auprès de l’Australian Antarctic Division et auteur principal de l’article.
Jusqu’en 1986, les déchets solides de Casey étaient éliminés dans un site à Thala Valley, sur l’estran de Brown Bay. Un dépotoir dans lequel étaient jetés piles, barils de pétrole ou de produits chimiques vides, vêtements, matériaux de construction, amiante, ciment, huiles usées. Des nappes de pétrole ont en outre été régulièrement observées s’infiltrant dans la baie lorsque la glace fondait en été. Une évaluation effectuée en 1994 avait déjà révélé de fortes concentrations de métaux et d’hydrocarbures.
Des opérations de nettoyage, menées en 1995-1996 et 2003-2004, auront permis l’évacuation de plusieurs centaines de tonnes de déchets, mais des contaminants comprenant entre autres des polybromodiphényléthers et des polychlorobiphényles – substances cancérigènes – sont restés, s’accumulant dans les sédiments marins près de la station.
C’est en allant carotter ces sédiments à la recherche de contaminants au cours de la période allant de 1997 à 2015 que les scientifiques se sont rendus compte que certains endroits comportaient des taux de pollution conséquents comparables à ceux trouvés dans le port de Sydney ou aux abords de Rio de Janeiro. Avec un impact sur la faune encore difficile à évaluer, faute de données à ce sujet.
La station de recherche australienne de Casey a été construite entre 1964 et 1969 sur la péninsule de Bailey, dans la partie sud-est de l’Antarctique. Elle devait à l’origine remplacer la station de Wilkes construite en 1957 et dont les bâtiments étaient devenus dangereux à cause de l’infiltration de carburant. Casey n’a guère mieux résisté aux éléments : la corrosion des infrastructures, liée à la fois aux matériaux de construction utilisés à l’époque, ainsi qu’à leur proximité avec la mer, a limité sa durée de vie.
Dans les années 1980, un important programme de reconstruction de l’ensemble des stations antarctiques australiennes a été mis en place. La station « Old Casey » a été démantelée et retirée de l’Antarctique et remplacée par une nouvelle Casey en 1988. Construite à un kilomètre de l’ancienne infrastructure, la station australienne, toujours en activité, accueille 25 personnes en hiver et 90 en été.
Les stations de recherche et les activités menées dans l’Antarctique font l’objet d’études sur la pollution depuis un certain temps. Un article récent avait notamment mis en évidence les concentrations de microplastiques aux abords des stations Scott et McMurdo et sur les voies de circulation. Une pollution dont l’une des sources étaient à aller chercher du côté des microfibres relâchées par les drapeaux qui bordent les stations de recherche ou qui servent à marquer chemins, dépôts et endroits dangereux.
Toutefois, les études relatives à l’impact des activités de recherche sur l’environnement manquent, tout comme un programme coordonné de surveillance à long terme : « Cette étude fournit des preuves pour soutenir les efforts de surveillance à l’échelle du continent, et pour sensibiliser aux impacts potentiels des stations de recherche sur l’environnement de l’Antarctique, et éclairer les pratiques de gestion de l’environnement. », concluent M. Stark et son équipe.
Mirjana Binggeli, PolarJournal
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