Première stratégie pour le patrimoine historique des TAAF | Polarjournal

Une nouvelle stratégie dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises poursuit une dynamique prometteuse pour le patrimoine polaire français dont la liste d’objets et documents s’allonge à nouveau.

L’exposition « Voyage en terres australes Crozet et Kerguelen 1772-2022« , du Musée National de la Marine de Brest n’était qu’une agréable prémisse. Une stratégie pour la gestion du patrimoine historique vient d’être formulée et validée pour la première fois par l’administration des Terres Australes et Antarctiques Française (TAAF).

Cette mesure fait suite à une phase d’inventaire – non achevée -, initiée par l’Institut Polaire Français en 2015 puis par les TAAF en 2018. Une somme conséquente de documents et d’objets a été découverte dans des lieux de stockage ou sur le terrain.

À l’Institut Polaire Français, une collection de négatifs photographiques et de clichés développés est en cours d’archivage. Pour qu’elle puisse être consultée par les scientifiques, et le grand public, elle est progressivement numérisée et versée sur le site des Archives Polaires Archipôles.

Des chercheurs ont dès lors demandé des images de Kerguelen prises par avion dans les années 60-70, pour les comparer avec aujourd’hui. Image : Camille Lin

Des fonds privés s’y trouvent également, comme le fonds Jean Corbel – ancien scientifique du CNRS -, dont son épouse veuve voulait se séparer. « Nous n’avons pas beaucoup de place, mais on fait ce que l’on peut pour éviter que cela soit jeté », explique Aude Sonneville, responsable de la communication de l’Institut Polaire Français en ouvrant un passage entre les rayons de la bibliothèque calée sur rails, qui soutient une somme de lettres, d’images et de bobines de films.

À mesure que les inventaires prennent forme, les images sont envoyées à la Bibliothèque nationale de France, les vidéos à la cinémathèque de Bretagne et des outils de mesures scientifiques au Centre national des arts et métiers de Paris.

Cet héliographe était utilisé par les climatologues pour enregistrer la course du soleil pendant la journée. Image Camille Lin

Pendant que l’Institut Polaire remet de l’ordre, les TAAF redéfinissent un socle juridique pour pouvoir mener des fouilles. « Maintenant, les fouilles passent par des inventaires précis, ce qui en sort est donc classé et mis en collection », explique Laetitia Thérond, chargée de la gestion et de la valorisation du patrimoine historique. Les premières missions du patrimoine ne remontent qu’à 1993, encadrées par une loi de 1956, et ont échappé aux législations des musées de France bloquant toute vente ou sortie de collection.

Quand Laetitia Thérond a commencé à travailler aux TAAF en 2018, elle s’est mise à inventorier des sites archéologiques et des objets historiques. Cette mise à jour a permis de définir des priorités de conservation et des problématiques de travail.

Parmi les priorités, l’ancienne ferme de Port-Couvreux où trois couples avec des enfants ont essayé de s’implanter est emblématique d’une époque. « Une faux peut sembler banale, mais dans le contexte de Kerguelen, cela raconte la tentative de colonisation de l’île et l’introduction d’animaux et d’espèces végétales par le fourrage, raconte encore Laetitia Thérond. L’histoire contemporaine est aussi importante, on travaille sur les journaux de cabane ou les tableaux de mission. Nous n’avons pas d’intérêt à privilégier un thème plus qu’un autre. Il faut tout garder en mémoire, mais on travaille un peu plus sur les vestiges de l’époque des phoquiers, parce qu’il en existe peu de traces. »

À l’Institut Polaire Français, la politique est différente : les archivistes ont travaillé sur leur propre histoire, dont la construction de la station Dumont d’Urville en Antarctique. « C’est aussi une manière d’en apprendre un peu plus pour la reconstruire dans le futur, explique Aude Sonneville. Les archives sont indispensables pour éviter que l’histoire soit réécrite à partir d’interprétation et avec le numérique, c’est vrai qu’on perd un peu la conscience des objets. »

De son côté Laetitia Thérond n’en pense pas moins : « Conserver la mémoire de toutes ces étapes, ça permet de comprendre ce qu’il s’est passé avec du matériel concret. Quand on a les objets sous les yeux, on peut se rendre compte des difficultés qu’ont rencontré les naufragés, dont parfois les récits restent pudiques. C’est l’objet qui va créer des émotions, c’est plus émouvant d’avoir le vrai témoin de l’aventure. »

Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour connaître la valeur de certains objets. Laetitia Thérond planche sur la forme très particulière d’un chaudron « pour l’instant inconnue des sites de l’océan Austral » qui fera l’objet d’une future publication. Ici un chaudron est hélitreuillé de la vallée des phoquiers à Crozet sous l’œil avisé des agents de l’infrastructure des TAAF. Image : TAAF

Quant à l’inventaire, il se poursuivra peut-être sous l’eau, le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines devrait mettre en place une prospection qui viendrait compléter la carte terrestre du patrimoine.

Camille Lin, PolarJournal

Première image de William Boffy

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