Le Nunavut inaugure les travaux d’un nouveau centre de traitement des traumatismes et des dépendances. Situé à Iqaluit et conçu par des Inuit, il assurera des thérapies axées sur la culture inuit.
Les travaux du futur centre de traitement des traumatismes et des dépendances ont été inaugurés le 14 août dernier à Iqaluit au Nunavut. La construction de l’établissement devrait commencer cet automne et s’étendre jusqu’en décembre 2025. Le centre se situera près de l’aréna des Jeux d’hiver de l’Arctique dans le sud-est d’Iqaluit. Il comprendra 24 lits assurant la prise en charge et le traitement des personnes toxicodépendantes, y compris pour les femmes enceintes afin de prévenir les troubles liés au syndrome d’alcoolisation fœtale.
D’un coût total de $C 83,7 millions (€ 57 millions), les travaux seront financés par les gouvernements du Canada et du Nunavut à hauteur respectivement de $C 42,1 millions et $C 41,6 millions. Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI), organisme chargé de la représentation légale des Inuit du Nunavut, fournira $C 5 millions pour couvrir l’ensemble des coûts du projet et $C 11,8 millions sur une période de cinq ans pour former des conseillers inuits par l’intermédiaire de la Makigiaqta Inuit Training Corporation. Enfin, les coûts de fonctionnement centre seront couverts par les Services aux Autochtones du Canada à hauteur d’un financement annuel de $C 9,7 millions.
Un investissement historique qui répond à l’appel à l’action n°21 de la Commission de vérité et réconciliation demandant au gouvernement fédéral de fournir un financement durable aux centres de guérison autochtones existants et nouveaux. Comme le mentionne le communiqué de presse diffusé par le Guvernement du Nunavut, le but est de traiter les préjudices physiques, mentaux, émotionnels et spirituels causés par les pensionnats, en accordant la priorité au Nunavut. « Avec Aqqusariaq, les Inuits auront une nouvelle occasion de guérir de l’impact des pensionnats et des traumatismes intergénérationnels en retrouvant un bien-être physique, mental, émotionnel et spirituel. », déclare Paul Irngaut, vice-président du NTI. « Grâce à l’accès à la terre et aux Aînés, à notre nourriture saine et aux services cliniques en inuktitut, Aqqusariaq aura le pouvoir d’améliorer la vie des Inuit pour les générations à venir. Après des années de planification, ce jour marque une étape importante dans la mise en place de programmes et de services de guérison conçus par et pour les Inuit. »
Ce centre répond à un véritable besoin en structures d’accueil et de prise en charge des Inuit du Nunavut qui, jusqu’ici, devaient se rendre dans des établissements situés à l’extérieur du territoire, n’offrant pas d’accompagnement en inuktitut et ne prenant pas en compte la culture et les modes de guérison inuit. Face à ces obstacles, beaucoup renonçait à se rendre dans le sud et était pris en charge par leur famille.
Avec Aqqusariaq, le Nunavut se dote d’un centre géographiquement et culturellement proche. Ainsi, le programme fera la part belle aux interventions et programmes culturels en complément des thérapies cliniques et des séances de conseil : « Ce partenariat et la construction d’Aqqusariaq favoriseront des approches de soins adaptées à la culture et amélioreront les possibilités de traitement qui sont plus proches du domicile, dirigées par les Inuit et tenant compte des traumatismes. », déclare John Main, ministre de la Santé du Nunavut.
En 2018, un groupe d’experts s’était réuni pour identifier les besoins et les ressources d’un un tel centre. Parmi les projets à mettre en place figuraient des activités en pleine nature telles que chasse, pêche et récolte, ainsi que des activités et des cours de compétences culturelles comprenant l’apprentissage de l’inuktitut, le dépeçage et le traitement des peaux, la couture de vêtements traditionnels, l’allumage du qulliq ou la médecine traditionnelle. Devaient aussi y être enseignées l’Histoire inuit et l’histoire de la colonisation en Arctique et ses répercussions. Des étapes nécessaires pour rompre le cycle des traumatismes intergénérationnels.
Au cours du 19ème siècle, les Inuit ont connu une colonisation rapide et brutale. Sédentarisation et déplacements forcés, évangélisation, pensionnats, sanatoriums, acculturation et interdictions culturelles (parler sa langue, pratiquer ses rites) auront laissés des plaies profondes au sein des communautés inuit du Canada qui continuent de se débattre avec les conséquences. Désintégration des structures familiales et sociales, conditions de logement médiocres, manque d’infrastructures, violences ou chômage de masse poussent nombre de Nunavikois dans la consommation d’alcool ou de drogues.
Les traitements et thérapies du centre seront accessibles en inuktitut et assurés par un personnel formé inuit. Éliminer la barrière linguistique, abolir la distance et assurer des thérapies culturellement pertinentes devraient ainsi permettre un accès plus égalitaire aux soins à plus de 250 Nunavikois par an.
Mirjana Binggeli, PolarJournal
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