Risque accru de grippe aviaire H5 aux Malouines | Polarjournal
Le canard à vapeur des Malouines est une espèce endémique de l’archipel. Image : Michael Wenger

L’arrivée du printemps dans l’hémisphère sud suscite l’inquiétude. Le réseau international de surveillance des épidémies affectant la faune sauvage met en garde contre une recrudescence du virus H5 en Amérique du sud et le risque de le voir entrer en Antarctique.

Le 29 août 2023, le quotidien espagnol El Pais reportait le décès d’une vingtaine d’otaries à fourrures victimes du virus H5N1 sur les côtes argentines, les premiers cas relatés dans ce pays. Le même jour, l’agence de presse du sud de l’Atlantique MercoPress titrait, « Les Malouines mettent en garde quant au retour des oiseaux migrateurs et, très probablement, de la grippe aviaire ».

En effet, depuis le mois d’août, des experts de l’Organisation mondiale de la santé animale (WOAH) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) alertent sur les risques de diffusion du virus de la grippe aviaire H5 vers des territoires qui n’ont encore jamais été atteints : l’Antarctique, via les îles subantarctiques. Et parmi elles, les Malouines sont celles où le risque est le plus grand.

« Aux Malouines, la problématique qui se pose est celle de la cohabitation avec le sauvage : on ne peut pas contrôler la circulation des animaux, et encore moins les frontières maritimes et aériennes des mammifères et oiseaux marins, » explique Keltoum Boumedjane, doctorante à l’École des hautes études en sciences sociales, qui travaille sur la biosécurité et la cohabitation humain-faune sauvage dans les îles subantarctiques.

Au Malouines, Amandine Gamble, de l’Université de Glasgow, étudie les maladies infectieuses touchant la faune sauvage, ici elle se trouve dans une colonie saine. Image : Keltoum Boumedjane / CNRS / EHES

Le virus H5 serait arrivé en Colombie en 2022. Depuis, 500 000 animaux sauvages auraient péri au Pérou, 13 % des manchots de Humboldt auraient été affectés au Chili et il peut se propager à une vitesse de 6 000 kilomètres en trois mois. Il affecte les oiseaux, mais également les mammifères comme les otaries et les baleines.

« En matière de surveillance, la population de l’archipel est vigilante aux mortalités suspectes, comme un nombre inhabituel de cadavres retrouvés. Ils sont vigilants par ailleurs aux signes cliniques de la grippe aviaire, notamment les troubles neurologiques, respiratoires ou digestifs, explique-t-elle. En matière de préparation et de gestion liées aux risques de grippe aviaire, ce sont les vétérinaires qui prennent la situation en main, mais ils sont en sous-effectif, seulement trois ou quatre vétos pour l’ensemble du territoire, qui sont déjà débordés avec la gestion du bétail, c’est-à-dire de 500 000 moutons et 4 500 vaches. »

Les experts de la FAO et de la WOAH rappellent que l’épidémie est véhiculée par la faune sauvage, mais pourrait être favorisée par les animaux domestiques du réseau de fermes des Malouines et appellent à rester vigilant. Selon eux, l’activité touristique et scientifique ne doit pas être négligée.

Pour réduire le risque de propagation par l’activité humaine, des dispositifs de biosécurité (pédiluves) sont utilisés pour désinfecter les chaussures. Image : Keltoum Boumedjane / CNRS / EHESS

« En matière de tourisme, les passagers des bateaux de croisière se nettoient les bottes sur le bateau avant et après une descente sur les îles, il peut y avoir des stations de lavage de bottes sur le rivage avant d’embarquer sur le bateau, les touristes et le personnel doivent garder une distance de (bio)sécurité avec les animaux », rappelle Keltoum Boumedjane, plus soucieuse du comportement des photographes professionnels qui voyagent seuls pour photographier les Malouines, parfois trop proche des colonies.

Les animaux sauvages et les animaux domestiques peuvent être très proches, ici moutons et gorfous. Image : Keltoum Boumedjane / CNRS / EHESS

Une épidémie aux Malouines aurait sans doute de graves répercussions sur la faune sauvage et peut-être sur l’élevage et dans de rares cas sur la santé des habitants. L’économie de l’île serait également impactée, perdant temporairement les revenus du tourisme et une partie de la production si l’élevages est touché.

L’épidémie pourrait aussi se propager plus au sud. L’Antarctique et les subantarctiques hébergent environ 100 millions d’oiseaux nicheurs chaque printemps et 23 espèces de phoques, otaries et cétacés. Parmi ces espèces, les experts expliquent que les manchots Adélie, les pétrels géants ou les skuas ont déjà contracté des souches de grippe aviaire faiblement pathogènes comme le H4N7. Et les pétrels géants et les skuas sont de potentiels vecteurs du H5N1, puisqu’ils traversent le passage de Drake et circulent entre les continents et les îles, des territoires pour l’instant épargnés.

Camille Lin, PolarJournal

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