Le 22 septembre prochain, débutera pour le Parlement du Groenland la session d’automne. Entre taxe sur les croisières, loi anti-discrimination, accord de Paris et registre inuit, les discussions promettent d’être intenses.
Les 31 membres du Parlement du Groenland, l’Inatsisartut, entameront leur rentrée politique avec une première réunion qui se déroulera le 22 septembre prochain. L’agenda est chargé : loi finances, loi anti-discrimination, Accord de Paris, taxe sur les croisières et registre inuit, le parlement aura fort à faire, d’autant plus que plusieurs propositions sont loin de faire l’unanimité parmi les différents partis qui constituent l’Inatsisartut.
Outre la loi sur les finances et une taxe sur les bateaux de croisière (voir notre article du 31 août dernier), le gouvernement du Groenland, Naalakkersuisut, a présenté au législatif un projet de loi anti-discrimination qui vise à instaurer une loi sur l’égalité et à interdire toute forme de discrimination, qu’elle soit basée sur le sexe, la couleur de peau, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle ou le handicap. La discrimination à l’encontre d’une femme enceinte ou en congé maternité, ou d’une personne adoptée sera également interdite si la loi passe.
L’accord de Paris, quant à lui, reviendra sur le devant de la scène. Pour rappel, en 2021, le Premier ministre du Groenland, Mute B. Egede, a annoncé l’adhésion de l’île à l’accord sur le climat. Puis, en avril dernier, le Groenland avait annoncé qu’il reportait son adhésion. La nouvelle coalition formée par les partis Siumut (centre) et Inuit Ataqatigiit (gauche) souhaitait en effet qu’une étude d’impact soit effectuée avant que le gouvernement ne ratifie l’accord. À charge maintenant de l’exécutif de convaincre Inatsisartut de soutenir l’adhésion.
Registre des Inuits
Autre point qui promet de susciter des débats importants, le registre des Inuit. Lancée par Pele Broberg, membre du parti centriste et indépendantiste Naleraq, l’idée d’un tel registre avait déjà fait grand bruit l’année dernière, poussant plusieurs politiciens à faire publiquement part de leur désaccord.
Il s’agit essentiellement d’un registre auquel les Groenlandais peuvent s’inscrire sur une base volontaire s’ils remplissent un certain nombre de conditions relatives à la langue et à l’origine ethnique. Calqué sur le modèle du registre sámi norvégien, les Inuit du Groenland pourraient ainsi s’inscrire s’ils peuvent attester, par exemple, avoir pour langue maternelle l’un des trois dialectes de l’île, le Kalallisut, le Tunumitt ou l’Inuktun, ou attester d’une origine inuit par un parent ou un aïeul.
L’utilité d’un tel registre est à chercher du côté du droit de voter sur certains sujets précis comme l’indépendance du Groenland. À l’heure actuelle, les statistiques indiquent qu’environ 4 200 personnes établies au Groenland sont nées au Danemark. Danois ou Groenlandais de souche ? Difficile de le déterminer. Il n’empêche qu’une partie des 56 000 habitants de l’île sont d’origine danoise, ce qui soulève la question de savoir s’ils auraient le droit de voter lors d’un référendum sur l’indépendance du Groenland, du moins selon Pele Broberg.
Le projet de registre ne fait pas l’unanimité. Le gouvernement groenlandais avait émis l’année dernière un amendement stipulant que l’exécutif devait au préalable étudier la nécessité d’établir un tel registre et sur ses conséquences potentielles.
Au-delà de l’aspect purement électoral, le débat autour de ce registre touche à des points sensibles. La question de l’indépendance d’une part mais surtout la question de l’identité groenlandaise, sujet autant politique qu’émotionnel tant les habitants de l’île sont encore marqués par l’histoire de la colonisation danoise et de ses conséquences qui perdurent encore aujourd’hui. Si la cohabitation avec les Danois de souche reste dans l’ensemble pacifique, il n’en reste pas moins que l’appartenance du Groenland au Danemark soulève nombre de questions et de problèmes.
En outre, après plus de deux siècles d’administration danoise de l’île et de mélange des populations, quelle est la définition de l’identité groenlandaise et groenlandaise ? Et si un tel registre existe, quels droits auront les Danois établis de longue date de participer à la vie politique du Groenland et de voter sur une éventuelle indépendance ? Il s’agit d’une question épineuse et il reste à voir comment le Parlement en débattra lors de ses prochaines sessions. Le Groenland est en pleine effervescence, et pas seulement sur le plan climatique.
Mirjana Binggeli, PolarJournal
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