Les résultats d’une étude publiée dans Nature suggèrent plus d’attention envers le zooplancton de l’Arctique. Le retrait de la glace de mer pourrait réduire la productivité de ces invertébrés à la base des chaînes alimentaires.
Une paire d’antennes, un corps segmenté et des mouvements saccadés. Le zooplancton de l’océan Arctique pourrait bien être privé de nourriture au cours d’hivers de plus en plus austères, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur ses prédateurs comme la morue ou les phoques, et sur la vie des Inuit.
Des résultats publiés dans la revue Nature le 28 août dernier par une équipe de scientifiques de l’Institut Alfred Wegener, du British Antarctic Survey et des universités de Newfoundland, Plymouth et College of London.
Pendant l’automne, l’hiver et le printemps, des saisons très peu documentées dans cette région, la migration dans la colonne d’eau des copépodes, des krills et autres petits crustacés qui vivent sous forme planctonique devrait changer de rythme. Ils passeraient visiblement plus de temps à de plus grandes profondeurs.
En cause, la lumière du jour, qui atteindrait des couches des plus en plus profondes. Ces animaux sont très sensibles à la lumière et détectent des variations d’intensités lumineuses aussi infimes que 0,00024 Watt par m2, soit 50 000 fois moins que la lumière conseillée dans une salle de bain.
Le soleil n’est en rien responsable de cette entrée de lumière. Le réchauffement de l’océan et de l’atmosphère amincie l’épaisseur de la banquise et de la couverture de neige ; la glace disparaît plus tôt au printemps, laissant pénétrer la lumière plus facilement.
Un second mécanisme devrait s’enclencher. Le retrait précoce de la banquise, et sa reconstitution tardive, favorisera l’efflorescence de phytoplancton. La formation de ces microalgues s’estompera avant que la glace ne se reforme, les empêchant de réensemencer la glace d’automne.
« Ce phénomène, combiné à la remontée tardive à la surface du zooplancton, pourrait entraîner des pénuries de nourriture plus fréquentes pour ces animaux en hiver, déclare Hauke Flores, principal investigateur de l’étude. Si cela se produit, les conséquences seront fatales pour l’ensemble de l’écosystème, y compris pour les phoques, les baleines et les ours polaires. »
Les auteurs insistent sur l’importance de conduire des études dans l’Arctique en hiver « pour être capable de prédire si l’océan Arctique deviendra une nouvelle oasis ou un désert si la crise climatique n’est pas contrôlée ».
Les chercheurs ont travaillé sur les données prises par les bouées d’observation, déployées lors de la dérive du Polarstern. Ce navire océanographique allemand avait été pris dans la glace et dans les courants de l’océan Arctique entre 2020 et 2021.
D’autres organismes de recherche pourraient s’attarder sur la question compte tenu de l’ampleur des résultats actuels. Des informations qui sont en ligne avec les préoccupations du Conseil de l’Arctique, les accords de non-pêche dans les eaux internationales et les traités visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Camille Lin, PolarJournal
En savoir plus sur le sujet :