Racisme et absence de prestataires de soins font que les femmes autochtones au Canada sont généralement en moins bonne santé que les femmes non autochtones. Une étude démontre en effet que les femmes autochtones inuit, Premières Nations et métisses sont plus touchées par les maladies chroniques, ainsi que par les troubles mentaux.
Publiée récemment par le Canadian Medical Association Journal (CMAJ), l’étude s’est appuyée sur les données collectées entre 2015 et 2020 par l’Enquête annuelle sur la santé des collectivités canadiennes, auprès de 6 000 femmes autochtones et 74 760 femmes non autochtones âgées de 15 à 55 ans. Cette vaste enquête annuelle couvre 98% de la population canadienne.
Le but de la recherche menée par le CMAJ était de quantifier les disparités en matière de soins de santé entre les femmes autochtones par rapport aux femmes non autochtones en âge de procréer. Les résultats démontrent que les femmes autochtones attendent plus longtemps pour obtenir de soins, se rendent plus régulièrement à l’hôpital pour se faire soigner hors urgence et ont moins souvent de médecin de famille que les femmes non autochtones. Un constat qui concerne particulièrement les femmes enceintes et les femmes qui viennent d’accoucher.
Précarité financière et niveau d’éducation n’expliquent pas cette différence dans l’accès au soin. À revenu égal et niveau d’éducation égal, les femmes autochtones étaient tout de même désavantagées. Une situation qui selon les chercheurs trouvent plutôt ses racines dans le passé : « Ceci est en grande partie le résultat des politiques coloniales, notamment de la violence et du racisme ciblés, des pensionnats, de la stérilisation forcée ou contrainte et de la destruction des terres traditionnelles. », mentionnent les auteurs dans leur étude. « En âge de procréer, les femmes autochtones du Canada sont confrontées à de nombreuses disparités en matière d’accès aux soins de santé, d’utilisation et de besoins non satisfaits. Des solutions visant à accroître l’accès aux soins primaires sont nécessaires de toute urgence pour faire progresser la réconciliation en matière de soins de santé. »
Pour les communautés reculées du Grand Nord canadien, les infrastructures et le personnel médical manquent, en particulier du personnel inuit formé. Il est ainsi fréquent pour les femmes inuit de devoir attendre plus de deux semaines pour obtenir un rendez-vous, souvent pour être prises en charge par un-e infirmier-ère. Nombre de soignants sont itinérants et ne parlent pas l’inuktitut. Difficile dans ces conditions de créer une relation de confiance avec un patient et d’établir un suivi sur le long terme qui tienne également compte de la personne dans sa spécificité culturelle.
Les distances à parcourir pour accéder à un centre de soins compliquent encore l’accès aux prestations médicales, entraînant dans certains cas (accouchement, soins de santé généraux) la nécessité de déménager.
Une enquête publiée en mai dernier par The Globe and Mail expliquait comment les futures mères du Nunavut étaient contraintes d’accoucher à Iqaluit. Ce qui implique pour elles de devoir quitter leur foyer, parfois même leurs enfants si elles sont déjà mères, pour s’installer provisoirement dans une chambre d’hôtel en attendant que le travail commence pour être admises à l’hôpital.
L’étude du CMAJ a porté sur 742 femmes inuit. Un comité consultatif a été spécialement créé pour le projet et comprenait quatre organisations de femmes autochtones, dont Pauktuutit Inuit Women of Canada, une organisation nationale qui représente les femmes inuit à l’échelle nationale.
Mirjana Binggeli, PolarJournal
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