Échouement du navire « Ocean Explorer » au fond d’un fjord isolé au Groenland | Polarjournal
L’Ocean Explorers est en difficulté dans une zone très faiblement fréquentée où des opérations de secours sont difficiles. Air Force / Arctic Command

Mise à jour concernant Ocean Explorer 14/09/2023 : le navire est libre depuis ce matin, les opérations de déséchouement (voir plus bas) ont permis de le sortir de la moraine avec l’aide du chalutier Tarajoq.

Un incident pour l’instant bénin met au défit le système de secours danois dans l’est du Groenland, une erreur de navigation classique des zones mal hydrographiées.

Lundi dernier, le navire de luxe Ocean Explorer de la compagnie de croisière Aurora Expedition s’est échoué à Alpefjord, dans un Parc National du Nord-Est du Groenland.

À bord, entre 170 et 206 passagers selon les sources et 90 membres d’équipage sont sains et saufs, le navire est immobilisé, mais reste stable.

Des fonds instables mal cartographiés

« Il s’est échoué sur la moraine du glacier, une zone du fjord sans doute mal hydrographiée », constate Hervé Baudu, expert français de la navigation polaire et corédacteur du Code Polaire. Ce dernier document recommande de naviguer avec la plus grande prudence dans les zones mal hydrographiées.

Le fond d’un fjord peut être très instable en Arctique. « On peut tout à fait imaginer qu’il y a eu des transferts de sédiments entre le glacier et le fjord favorisant l’accumulation de sédiments sous forme de prodeltas (zone avancée du delta sous la surface de l’eau, NDLR) qui n’apparaissent pas sur les cartes bathymétriques, car récemment les dépôts sont souvent fluctuants. » remarque Agnès Balzer sédimentologue du Comité National Français des Recherches Arctiques et Antarctiques.

Lorsque les secours ont été sollicités, le navire militaire danois Knud Rasmussen était à 1 200 milles nautiques. Il ne pourra donc arriver sur les lieux de l’échouement que vendredi matin.

Certains navires de croisière environnant ont été contactés pour rester dans la zone. Leur soutien pourrait être nécessaire en cas d’évacuation.

Navires de croisière signalés dans la zone de l’échouement de Ocean Explorer le 13 septembre. Silver Endeavour est en exploration à 50 milles au nord. Image : Camille Lin / CruiseMapper

Les opérations de secours ont été prises en main par le Joint Arctic Command des forces armées danoises basé à Nuuk. Le renfort des gardes-côtes islandais pourrait être également nécessaire selon l’évolution de la situation.

L’avion Challenger des forces aériennes a survolé mardi le navire et rapporte l’absence de pollution ainsi que des images de l’incident. « Dans cette situation spécifique, nous ne voyons pas de danger aigu pour la vie humaine, » a déclaré le Commandant Brian Jensen.

Ocean Explorer bat pavillon bahamien et appartient au groupe norvégien Ulstein. Il mesure 104,4 mètres avec un tirant d’eau de 5,3 mètres. « Sa coque glace PC6 1A est prévue pour les navigations estivales, ce n’est pas un brise-glace. » précise Hervé Baudu.

Le déséchouement

Ce matin, la balise du chalutier groenlandais Tarajoq signale sa présence à proximité du navire. « Il pourrait vraisemblablement lui porter assistance, » ajoute-t-il.

La marée haute pourrait aider le navire à se dégager, mais les trois dernières ne lui ont pas permis de s’extraire. Aujourd’hui à midi la marée sera haute de 1,1 mètre au-dessus du niveau zéro, à Ittoqqortoormiit.

Ce genre d’incident est déjà arrivé par le passé, comme en 2013 lors de l’échouement du Soléal de la compagnie Ponant dans le fjord sibérien de Penkigney.

L’opération de déséchouement avait pu être effectuée « en combinant le ballastage à l’utilisation des ancres (mouillées au moyen des embarcations du bord), de la machine et du propulseur d’étrave en ‘creusant’ une souille par des mouvements de la coque pour redonner de l’eau au navire. » rapportait en août 2014 le Bureau (français) d’enquêtes sur les événements de mer.

Le rapport soulignait « un excès de confiance vis-à-vis de la bathymétrie » et à l’issue conseillait à la compagnie Ponant « de poursuivre la formation complémentaire, déjà initiée, de ses officiers naviguant dans les régions polaires, notamment à l’aide d’un simulateur. »

Il précisait également : « l’opération de déséchouement a été habilement menée ». Souhaitons qu’il en soit de même pour l’Ocean Explorer.

Camille Lin, PolarJournal

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