Des géants pour surveiller l’Antarctique | Polarjournal
Les pétrels géants du sud (Macronectes giganteus) sont des prédateurs de grande taille, ils pèsent entre 3 et 5 kg. Image : Lucas Krüger

À l’instar de l’albatros, le pétrel géant pourrait être utilisé pour la surveillance des pêches en Antarctique. Opportuniste, son espace vital permet de couvrir un vaste territoire.

Un animal ailé surveillant la pêche illégale grâce à des capteurs, c’est ce que des Chiliens et des Brésiliens développent sur les pétrels géants ; ce système permettrait, par la même occasion, de suivre les changements environnementaux de l’Antarctique. Une recherche qui suit celle des chercheurs français avec les albatros.

L’ornithologue Lucas Krüger, de l’Institut Antarctique du Chili, et ses collègues ont publié leurs résultats dans la revue Antarctic Science des Presses Universitaires de Cambridge. Les recherches ont été financées par des fonds publics de recherche chiliens (Programa AMP, Programa Iniciativa Milenio ANID de la Milenio BASE et le Fondecyt).

« Les albatros sont plutôt des sentinelles, alors que les pétrels géants du sud seraient des contrôleurs, explique Lucas Krüger. Le premier se reproduit dans les îles subantarctiques, alors que le second en Antarctique. »

À deux reprises, l’équipe a installé sur 67 oiseaux des balises pour suivre leur position entre 2019 et 2022. Chacun d’entre eux a pu être suivi pendant 40 jours en moyenne, au départ de Harmony Point sur l’île de Nelson de l’archipel des Shetland du Sud.

Ces oiseaux sont également les principaux charognards de l’océan Austral, aussi bien en mer qu’à terre. Image : Lucas Krüger

« Les oiseaux peuvent détecter par l’odorat des concentrations de biomasse qui affleurent sur l’océan, des algues, des crustacés et des calmars, » ajoute-t-il, comme dans le détroit Antarctique (Antarctic Sound), à l’extrême pointe de la péninsule, où se concentrent aussi d’autres grands prédateurs.

Certains de ces espaces pourraient un jour être pêchés et d’autres le sont déjà. L’éventuelle élévation des quotas de krill autour de la péninsule Antarctique divise les gestionnaires de la CCAMLR.

Les pros arguent que rien ne prouve que cela serait néfaste pour la faune, les conservateurs invoquent le principe de précaution parce qu’il y a un manque de connaissances.

À cela s’ajoute la pêche illégale. Les pétrels géants peuvent être attirés par des dépouilles d’animaux pris dans des engins de pêches fantômes ou des palangres provenant de navires illégaux.

Des oiseaux équipés de GPS marquent des trajectoires rectilignes quand ils suivent un navire. En comparant avec d’autres systèmes de surveillance des pêches comme l’AIS, ou la télédétection, des pêcheurs illégaux peuvent être localisés et arraisonnés.

« Si des cellules photosensibles détectent des lumières la nuit, cela peut être une preuve d’interactions avec des navires, comme à Elephant Island en 2010-2011, » complète-t-il.

Chez ces volatiles, les deux sexes peuvent être attirés par les navires de pêche. En revanche, pendant la saison de reproduction, les femelles voyagent plus loin et plus longtemps.

Au large, elles mangent des crustacés et des calmars. Les femelles vivent aussi sur les côtes, comme les mâles, et se nourrissent de carcasses à proximité des regroupements d’animaux.

Leurs voyages permettraient de repérer des petites colonies de manchots ou d’éléphants de mer du sud, moins facilement détectables par satellite.

« On a aussi essayé d’utiliser des caméras, cela fonctionne pendant le vol, on a des images de la banquise fracturée, mais en changeant la caméra de position, on pourrait compter les manchots et les phoques quand ils sont à terre. » prévoit Lucas Krüger.

Les pétrels géants du sud équipés par Lucas Krüger sont opportunistes et parcourent de vastes territoires. Image : Edson Vandeira

« Ils interagissent avec beaucoup d’environnements entre la mer de Bellingshausen, la mer de Weddell, la limite des glaces et l’Amérique du Sud. » conclut-il.

Le coût de la surveillance d’un territoire aussi grand est un défi pour la recherche. Lucas Krüger et ses collègues voient chez cet oiseau le potentiel d’un partenaire.

Camille Lin, PolarJournal

Lien vers l’étude : Finger, J.V.G., Krüger, L., Corá, D.H., Petry, M.V., 2023. Habitat selection of southern giant petrels: potential environmental monitors of the Antarctic Peninsula. Antarctic Science 1–14. https://doi.org/10.1017/S0954102023000147.

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