En maintenant le climat actuel, la vitesse de fonte des glaciers de l’Antarctique atteindra un point de non-retour d’ici à 400 ans en moyenne, mais chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire nous rapproche de cette échéance.
La grande calotte glaciaire de l’Antarctique s’échoue sur le rivage puis flotte vers le large, cette jonction forme une ligne d’échouage, propre à chaque glacier. Une ligne qui, bien qu’en apparence stoïque, résulte de l’écoulement de la glace venue de l’amont et de sa fonte au contact de l’océan. En d’autres termes, elle est stable tant que la formation de glace en amont est suffisante pour compenser le flux de glace en aval.
Mais le réchauffement physique de la planète altère cet équilibre, favorisant la fonte de glace au détriment de son stockage. Ce qui entraîne le recul des lignes d’échouage des glaciers de l’Antarctique. Des chercheurs européens s’en préoccupent, ces lignes reflètent l’état du climat et l’élévation du niveau marin. Leurs travaux ont donné lieu à une double parution dans la revue The Cryosphere le 7 septembre dernier.
Commençons par la bonne nouvelle
On y apprend que les réchauffements successifs pourraient déstabiliser les lignes d’échouage, provoquant leur retrait perpétuel et inexorable à l’échelle de l’humanité, et que ce point de non-retour n’a pas été atteint. « En prenant en compte l’histoire du climat et la géométrie de l’Antarctique, qui conditionne aussi la vitesse d’écoulement de la glace, les lignes ne sont pas entrées dans une phase irréversible de retrait. » atteste Olivier Gagliardini, glaciologue de l’Institut des Géosciences de l’Environnement et du CNRS. Ce qui semble être une bonne nouvelle.
Mais ne l’est pas totalement. La seconde étude explore les effets futurs des degrés déjà ajoutés à la température globale sur les glaciers. « Même sans augmenter le réchauffement, on va finir par pousser ces lignes vers des zones où elles franchiront un point de bascule. » constate-t-il. Les chercheurs situent l’échéance à plus 300 ou 500 ans pour l’ouest de l’Antarctique, si le climat restait le même qu’aujourd’hui. Seulement, les degrés de réchauffement supplémentaires à venir rapprocheront ce point de non-retour.
« Pour revenir à l’état d’origine, il faut réinjecter une énergie bien supérieure à celle qui a été apportée pour basculer dans l’instabilité, donc un climat plus froid pendant plus longtemps pour revenir à l’équilibre initial. » imagine Olivier Gagliardini.
Seul le scénario le plus optimiste (SSP1-1,9) du groupe d’experts pour le climat propose un lent refroidissement du climat à partir de 2040. Possible si et seulement si l’absorption globale de carbone dépasse les émissions d’ici à 2050, précédée de la stabilisation de nos rejets, dès à présent.
Camille Lin, PolarJournal
Lien vers les études :
- Hill, E.A., Urruty, B., Reese, R., Garbe, J., Gagliardini, O., Durand, G., Gillet-Chaulet, F., Gudmundsson, G.H., Winkelmann, R., Chekki, M., Chandler, D., Langebroek, P.M., 2023. The stability of present-day Antarctic grounding lines – Part 1: No indication of marine ice sheet instability in the current geometry. The Cryosphere 17, 3739–3759. https://doi.org/10.5194/tc-17-3739-2023.
- Reese, R., Garbe, J., Hill, E.A., Urruty, B., Naughten, K.A., Gagliardini, O., Durand, G., Gillet-Chaulet, F., Gudmundsson, G.H., Chandler, D., Langebroek, P.M., Winkelmann, R., 2023. The stability of present-day Antarctic grounding lines – Part 2: Onset of irreversible retreat of Amundsen Sea glaciers under current climate on centennial timescales cannot be excluded. The Cryosphere 17, 3761–3783. https://doi.org/10.5194/tc-17-3761-2023.
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