Les navires de croisières en Antarctique représentent une plateforme scientifique non-négligeable pour la surveillance des communautés d’oiseaux, selon des scientifiques britanniques et norvégiens qui ont expérimenté ce mode d’observation entre 2019 et 2020.
Le 18 septembre dernier, une étude publiée dans Frontiers in Marine Science décrit l’intérêt des navires de croisières pour l’étude des communautés d’oiseaux et de mammifères marins de l’Antarctique.
Les auteurs de ce papier, dont Victoria Ollus, biologiste du Norwegian Institute for Nature Research et de l’Arctic University of Norway, sont montés à bord de plusieurs navires de la compagnie Hurtigruten pour compter et identifier les oiseaux lors de leurs traversées vers et en provenance de l’Antarctique.
Pour ce faire, les scientifiques ont appliqué un protocole strict d’observation et de détermination des espèces, le même en usage sur les navires océanographiques. Ce dernier doit être respecté à la lettre et dans les mêmes conditions pour que les données soient valables.
« Il n’est pas nécessaire d’avoir un master pour collecter les données, mais il faut bien connaître la procédure et être capable d’identifier les espèces. » affirme Victoria Ollus. Elle était étudiante en master lors de la mission sur les paquebots Fram et Midnatsol entre 2019 et 2020. Aujourd’hui, elle est en thèse à l’Arctic University of Norway.
La péninsule Antarctique est en train de changer rapidement. Moins de glace, températures à la hausse, les évolutions sont nombreuses. Les conséquences aussi : il peut s’agir d’échecs localisés de reproductions, de colonies qui disparaissent et d’autres qui s’étoffent. D’autres menaces s’ajoutent aux changements climatiques, et les scientifiques appellent à plus d’observation.
Ainsi, la pêche au krill pourrait s’accroître à l’avenir. Toute négociation internationale sur le sujet demande des données précises pour établir les bases d’une gestion durable, permettant de faire machine arrière si des populations menaçaient de s’effondrer à cause du manque de ressources.
Les observations des oiseaux depuis les navires de croisières réalisés par le groupe de chercheurs ont montré que les communautés d’oiseaux varient en fonction de la température de l’eau et de la distance à la côte, qui affectent à leur tour les ressources. Ils n’ont cependant pas réussi à mettre en lien ces résultats avec le front polaire, peut-être parce que les oiseaux restent près des côtes pendant la saison de reproduction.
« L’idée, c’est d’acquérir plus de données, en utilisant les navires déjà sur place. » nous explique la biologiste. La collaboration pourrait être bénéfique aux chercheurs comme aux compagnies de croisières. Ce besoin n’implique pas une augmentation du trafic dans ces régions. « Ils ont leur propre empreinte dans l’écosystème, » commente Victoria Ollus.
Lors de leurs essais, les scientifiques ont présenté des conférences sur leurs sujets d’étude à bord. « Les passagers sont intéressés pour en savoir davantage sur ce qui les entoure et les sciences qui sont menées en Antarctique. » ajoute-t-elle.
En échange, les chercheurs bénéficient de l’opportunité d’une plateforme de recherche, peu coûteuse pour la mise en œuvre, en comparaison avec les navires de recherche océanographiques.
« Les études menées à bord des navires de croisière ne devraient cependant pas remplacer les navires de recherche, mais plutôt constituer des opportunités supplémentaires et complémentaires de collecte de données », déclare Victoria Ollus.
Car ce nouveau support ne pourrait à lui seul obtenir la précision des recherches menées spécifiquement à bord des navires océanographiques. Ceux-ci auscultent l’anatomie de l’océan en détail. Ils définissent précisément les fonds, la nature des différentes masses d’eau, les nutriments, les courants et, en même temps, ils sont en mesure d’effectuer une collecte de données plus structurée sur la distribution des oiseaux de mer.
Les navires océanographiques peuvent quadriller une zone d’étude précise. Les paquebots sont beaucoup plus limités, ils effectuent, eux, des lignes droites entre l’Amérique du sud, la péninsule Antarctique, les Orcades du Sud, la Géorgie du sud et les Falkland.
Il existe déjà des formations pour des observateurs qui travaillent toute l’année et sur d’autres types de navires. C’est le cas du Offshore Seabird Monitoring Training dispensé par le Joint Nature Conservation Committee en Angleterre.
« Je n’ai personnellement pas suivi ces formations, j’ai appris avec la communauté scientifique, ajoute Victoria Ollus. Je recommanderais d’envoyer des gens dédiés à cette mission. »
Les observateurs employés pour effectuer le travail d’observation doivent se consacrer entièrement à cette tâche, car il faut veiller en passerelle, compter et identifier aux jumelles les espèces d’oiseaux ou de mammifères marins. Une tâche qui nécessite une grande concentration.
Camille Lin, PolarJournal
Image d‘ouverture de Michael Wenger
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