La semaine prochaine à Paris se réunira une coalition de pays autour de la disparition de la cryosphère et de ses conséquences sur les sociétés humaines. Lors de ce forum, des scientifiques du monde entier viendront décrire l’état le plus actuel de la santé de la cryosphère aux décideurs politiques. Les principaux organisateurs – Olivier Poivre d’Arvor, Jérôme Chappellaz et Antje Boetius -, ont la ferme volonté d’inscrire cette « crise froide » sur l’agenda politique international.
Du 8 au 10 novembre, le One Planet – Polar Summit – initié par Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur français des pôles et soutenu par le président Emmanuel Macron -, devrait élargir le cercle de pays signataires de l’Ambition on Melting Ice, une coalition de 20 pays concernés par l’état de la cryosphère, formée l’année dernière à Charm el-Cheikh, lors de la COP 27.
« Nous espérons que 40 pays et organisations internationales se joindront à nous à Paris le 10 novembre, » lançait l’ambassadeur français des pôles en Islande le 21 octobre dernier. Ce dernier espère pouvoir attirer l’attention de la Chine et des États-Unis. Le One Planet – Polar Summit aboutira en outre sur un « Appel de Paris sur les pôles et les glaciers », qui se prolongera lors de la COP 28 à Dubaï.
Pour s’assurer une écoute attentive de la communauté internationale, le sommet doit construire un message de haute valeur scientifique. « Nous allons nous appuyer sur les meilleures connaissances à disposition aujourd’hui pour produire un rapport sur la cryosphère au sens large, » explique Jérôme Chappellaz, chercheur en glaciologie reconnu pour son exploration scientifique des régions polaires.
Ce document viendra compléter les derniers rapports du GIEC et de l’International Cryosphere and Climate Initiative. « Nous allons mettre la focale sur les points de bascule pour lesquels les incertitudes sont encore importantes, » confie-t-il. Ce rapport devrait être actualisé tous les deux ou trois ans.
Les points de bascule, seuils propres à chaque composante de la cryosphère, au-delà desquels elles sont condamnées à disparaître, dépendent des gaz à effet de serre libérés dans l’atmosphère et non stockés dans l’océan ou la biomasse. Ils sont influencés, à leur tour, par les sols gelés qui se réchauffent et émettent du CO2 et du méthane. Ces quantités restent encore mal évaluées. « Ceci conditionnera en grande partie ce que les sociétés humaines pourront se permettre d’émettre à l’avenir, » constate Jérôme Chappellaz.
Le sommet permettra d’identifier les questions scientifiques auxquelles il est urgent de répondre. « Physique, biologie… mais aussi sciences humaines : il faut intégrer l’économie qui gravite autour de la cryosphère. L’impact de la perte du pergélisol sur les infrastructures est un bon exemple, ainsi que la perte des ressources en eau autour du plateau tibétain et de la Chine printemps comme été, » assure le chercheur.
Pendant le forum, « l’introduction des sujets sera menée par quatre ou cinq personnes sélectionnées, explique Jérôme Chappellaz. Puis la discussion sera ouverte au public scientifique dans la salle pour compléter.”
« Il est temps de rassembler toutes les composantes de la cryosphère qui sont en interaction avec les humains, il y aura des sessions de groupe sur les glaciers, le cycle de l’eau, le niveau des mers, le permafrost et les risques géologiques, l’océan, la banquise et la vie. » déclarait Antje Boetius, directrice du centre de recherche allemand sur les pôles et l’océan.
“On devra remettre le 10 novembre aux chefs d’État un document qui fera foi, » ajoute Jérôme Chappellaz, intégrant une liste d’actions pour répondre aux besoins, au cœur desquelles figurera la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Environ un milliard de personnes seront directement concernées par le manque d’eau douce en 2100 et un milliard de plus par la montée du niveau marin. « Le sommet formera la première coalition politique sur les pôles et les glaciers, et jettera un éclairage particulier sur l’élévation du niveau de la mer, » complète l’ambassadeur des pôles.
Les pays qui adhéreront à l’appel serviront d’appui à la mise en place à Nice en juin 2025 d’une « décennie des sciences glaciaires et polaires », la veille de l’ouverture de la conférence des Nations Unies sur l’océan. La coalition des villes, des îles, des régions et des États insulaires (Sea’ties) se réunira dans le même temps.
À Paris, ce sera l’occasion pour la France de dynamiser sa Stratégie polaire. « Il y aura des retombées locales, on est en train de décrocher aux niveaux des enjeux polaires, c’est un bras de levier pour remettre à flot le financement des sciences françaises dans les pôles et les hautes altitudes, » complète Jérôme Chappellaz.
Les annonces du président feront mention de nouveaux moyens en plus des financements alloués aux projets Tara et Polar Pod, respectivement 11 millions et 20 millions. « La reconstruction de la station antarctique Dumont d’Urville est prévue, avec une nouvelle unité à une centaine de mètres de la station actuelle, explique l’ambassadeur. Sans oublier les moyens en mer. » Peut-être aussi un budget pour de nouveaux programmes scientifiques.
Le sommet insistera sur l’importance des sciences humaines pour répondre aux dilemmes entre exploitation et protection auxquels feront de plus en plus face les communautés locales en développement et la communauté internationale, au Groenland par exemple ou dans l’océan Arctique, lors du retrait des glaciers et de la glace.
L’État français devrait solliciter ses ministères d’ici au début de l’année prochaine pour appliquer la stratégie polaire. « Le One Planet – Polar Summit, c’est une bouteille à la mer, l’idéal serait que cela ne soit pas nous organisions le prochain, mais un autre pays, » espère l’ambassadeur.
Camille Lin, PolarJournal
Lien vers le site de One Planet – Polar Summit
Lien vers le site de Ambition on Melting Ice
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