Les pêcheurs groenlandais sont dans la rue | Polarjournal
Appel à la manifestation du KNAPK. Face à la baisse des prix d’achat du cabillaud, les pêcheurs peinent à joindre les deux bouts. Image : KNAPK / Facebook

Les pêcheurs groenlandais ont manifesté leur colère face à la baisse du prix d’achat du cabillaud par Royal Greenland qu’ils accusent au passage d’abus de pouvoir de monopole.

Le 1er novembre dernier, les rues de la capitale groenlandaise ont vu défiler des pêcheurs en colère. Une manifestation a réuni entre 200 et 300 personnes venues exprimer leur mécontentement face aux dernières baisses de prix imposées par Royal Greenland, notamment sur le cabillaud. Organisée par la KNAPK, la manifestation dénonçait notamment la situation de monopole de la Royal Greenland et Polar Seafood. Des manifestations similaires ont également eu lieu dans d’autres régions de l’île.

Des pêcheurs en combinaison de travail et chaussés de leurs bottes, des membres de la KNAPK, association de pêcheurs et de chasseurs du Groenland, ainsi que des sympathisants se sont rassemblés devant le bâtiment du Parlement (Inatsisartut) à Nuuk. 
La KNAPK est l’abréviation de Kalaallit Nunaanni Aalisartut Piniartullu Kattuffiat. Cette association, créée en 1953, défend les intérêts des pêcheurs et des chasseurs du Groenland. Elle estime que Royal Greenland abuse de sa position dominante dans le secteur de la pêche pour fixer unilatéralement le prix d’achat du poisson, jugé trop bas. Le gouvernement du Groenland, Naalakkersuisut, est également visé, les membres de la KNAPK estimant que la classe politique ne défend pas suffisamment les pêcheurs. 

Alors même que la pêche côtière au cabillaud est en plein essor au Groenland, le prix d’achat de ce poisson a fortement diminué. Image: Rolf Gradinger / Earth.com

Une manifestation qui signale un ras-le-bol des pêcheurs qui s’estiment mal défendus par des politiques qui n’ont notamment guère réagi quand Royal Greenland a réduit le prix au kilo de cabillaud. En effet, le prix du poisson est passé de 10,75 DDK le kilo à 8,25 DKK début octobre. Un montant qui, d’après Nikkulaat Jeremiassen, président de la KNAPK, et dont les propos ont été rapportés par le journal groenlandais Sermitsiaq, ne suffisent même pas à couvrir les factures et les frais de subsistance des pêcheurs et de leurs familles : « Pour que les pêcheurs aient une chance équitable, les prix au kilo doivent être de 12 à 14 couronnes le kilo, et si cela n’est pas possible, alors Inatsisartut et Naalkkersuisut doivent accorder des subventions aux pêcheurs tant que les prix au kilo sont aussi bas. »

La KNAPK a dénoncé Royal Greenland, principale entreprise de pêche de l’île, à l’Autorité danoise de la consommation et de la concurrence pour tenter d’interpeller les politiciens. Une démarche qui pourrait retarder une éventuelle intervention de Naalakkersuisut, comme le signalait Kim Kielsen à Semitsiaq suite à la manifestation : « Nous devons attendre la décision de l’Autorité de la concurrence sur le cas signalé de formation d’un cartel avant que nous, Naalakkersuisut, puissions agir concrètement en la matière. Toutefois, le ministre en charge de la pêche a appelé au dialogue entre Royal Greenland et les pêcheurs.

Du côté de Royal Greenland, la baisse du prix d’achat est justifiée par les prix en baisse du cabillaud, notamment en raison de la chute des prix de 30% de la morue russe qui a affecté le marché mondial, après que le prix du cabillaud ait atteint des niveaux records en 2021 et 2022. En outre, l’organisation a rappelé récemment dans un communiqué de presse que le Groenland ne dispose que de 2% des quotas de cabillaud dans le monde, ce qui limite son influence sur l’évolution des prix sur le marché international.

Un dispositif policier conséquent a encadré la manifestation, cette dernière ayant même été filmée à l’aide d’un drone. La raison de cette présence policière pourrait être liée à des messages diffusés avant la manifestation sur les réseaux sociaux appelant les participants à porter des armes et à « se révolter fortement ». La colère est donc bien réelle, même si la manifestation s’est déroulée dans le calme.

Mirjana Binggeli, PolarJournal

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