Produit par les activités humaines et volcanique ou la fonte des glaces, le mercure voit ses concentrations augmenter dans les chaînes alimentaires de l’Antarctique, plus particulièrement dans la mer de Ross, selon l’étude de Fanny Cusset et de ses collaborateurs.
Une plume un peu plus lourde que les autres. Celles des manchots Adélie de la mer de Ross sont les plus contaminées de l’espèce par le mercure. Une étude publiée mi-octobre dans Ecotoxicology révèle la répartition des concentrations de ce métal lourd autour du 7e continent.
La mer de Ross est particulièrement riche en biomasse. Son plateau continental, moins profonds, est étendu. D’amples circulations marines maintiennent des milliers de petites zones libres dans la glace. « Ces tourbillons apportent des nutriments dans les couches supérieures de l’océan au large, une aubaine pour le phytoplancton qui s’épanouit et alimente tout l’écosystème antarctique. » décrit Fanny Cusset, biologiste marine et principale investigatrice de l’étude.
Les prédateurs marins disposent ainsi de krill, de poissons… La moitié des orques de l’océan Austral et un tiers des manchots Adélie peuplent la mer de Ross. »Si ces animaux sont contaminés, cela veut dire que toute la chaîne alimentaire l’est aussi, » rappelle-elle.
Les manchots Adélie, vivant à l’est comme à l’ouest du continent, de la péninsule Antarctique à la Terre Adélie, constituent un bon support pour étudier la répartition du mercure. « Pour mesurer ce métal, il fallait prélever un tissu sans mettre en danger la vie de l’animal, nous explique la biologiste. Par affinité chimique, près de 90 % du mercure accumulé dans le corps du manchot part dans ses plumes. Un processus naturel pour purifier l’organisme. »
Les concentrations mesurées sont de quelques microgrammes par gramme de plume. Des valeurs sous le seuil de toxicité, mais quatre à 20 fois plus élevées que celles du krill et 50 fois moins que celles des albatros, qui se nourrissent de proies différentes plus au nord.
Les chercheurs pensent que le mercure de la mer de Ross serait probablement déposé par les vents catabatiques, des grands vents qui descendent du continent vers l’océan. Mais aussi par la neige, la pluie et directement par l’océan.
« Il est difficile de discerner la part anthropique de la part naturelle pour l’instant, affirme la chercheuse. Il faudrait voir dans la neige, la banquise et étudier l’ensemble du cycle du métal en Antarctique. »
Le mercure vient de la combustion d’énergies fossiles, de l’orpaillage, et de l’industrie chimique où il sert de catalyseur. Il s’échappe dans l’atmosphère, les rivières, et les grands courants océaniques et rejoint l’Antarctique. Dans la mer de Ross, le volcanisme du mont Erebus et du mont Melbourne joue probablement un rôle dans la contamination. Ce premier état des lieux du mercure circumpolaire n’y décrit pas l’impact de ce métal. « Il faudra aller plus loin pour le savoir. » complète-t-elle.
« L’intérêt des plumes, c’est qu’elles sont stables dans le temps, » ajoute Fanny Cusset, qui va désormais s’intéresser aux échantillons entreposés dans certains musées d’histoire naturelle, comme ceux de Paris, Londres et Copenhague. Ce travail permettra de retracer l’histoire de cette contamination depuis le début de l’ère industrielle, quitte à plomber l’ambiance.
Camille Lin, PolarJournal
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