Un paysage intact a récemment été découvert sous la calotte glaciaire est-antarctique. Une découverte qui pourrait permettre de comprendre comment l’inlandsis s’est formé et comment il pourrait évoluer dans les conditions de réchauffement climatique.
Un vaste paysage fait de collines et de vallées autrefois verdoyantes, avec deux fjords profonds et plusieurs cours d’eau. C’est la découverte faite par une équipe de scientifiques dans une étude publiée en octobre dernier dans Nature Communications. Utilisant la technologie du sondage radio-échographique, l’équipe de chercheurs britanniques et américains a découvert une étendue de 32 000 km2, plus grande que la Belgique, et restée intacte depuis plusieurs millions d’années.
Le fait qu’il ait été découvert intact – autrement dit, non érodé par la calotte glaciaire – semble indiquer que les changements climatiques qui ont amené au refroidissement puis à la création de l’inlandsis Est-Antarctique, il y a 34 millions d’années, ont été rapides. « Le paysage a été formé par des rivières avant la formation de la calotte glaciaire, mais modifié plus tard par la glaciation locale avant d’être disséqué par des glaciers émissaires à la marge d’une calotte glaciaire restreinte. », indiquent les auteurs dans leur article, mettant en avant le fait qu’il est rare de découvrir des paysages non modifiés qui ont enregistré les conditions glaciaires passées. Ce qui permet d’établir l’histoire de la calotte glaciaire.
Selon Stewart Jamieson, professeur au département de géographie de l’Université de Durham et principal auteur de l’étude, le paysage aurait résisté au retrait des glaces au cours d’anciennes périodes de réchauffement comme celle du Pliocène il y a 3 à 4,5millions d’années.
Pour obtenir ces résultats, les chercheurs se sont servis du sondage radio-échographique. Cette technologie consiste à survoler une zone donnée par avion en envoyant des ondes radio dans la glace. On analyse ensuite les échos pour déterminer la topographie. L’entreprise, toutefois, serait difficilement réalisable à l’échelle du vaste continent blanc. Aussi, afin de compléter leurs données, le groupe de chercheurs s’est servi d’images satellites existantes de cette partie orientale du continent.
Ces images, combinées avec les données obtenues par le sondage radio-échographique ont permis de révéler ce paysage qui, à en croire les chercheurs, offre des caractéristiques similaires du Snowdonia au Pays de Galles.
Un paysage qui pourrait se trouver exposé, et donc menacé, par le réchauffement climatique que nous connaissons actuellement :« Étant donné que les conditions de CO2 et de température atmosphériques modernes ont atteint des niveaux sans précédent depuis le Pliocène, nous sommes maintenant en bonne voie pour développer des conditions atmosphériques similaires à celles qui prévalaient entre 34 et 14 Ma (env. 3 à 7 °C plus chaud qu’aujourd’hui), avec des conditions de CO2 dépassant 500 ppm d’ici 2100 avec la poursuite de la combustion de combustibles fossiles. », signalent les auteurs pour qui l’inlandsis Est-Antarctique pourrait reculer suffisamment pour révéler ces anciens paysages si le réchauffement climatique se poursuit.
Toutefois, l’exposition de ce paysage à l’air libre prendra du temps, ce dernier se situant à des centaines de kilomètres à l’intérieur des terres et du bord de la glace.
Recouvert d’une épaisse calotte glaciaire, le continent antarctique est encore mal connu. La découverte de ce paysage préservé, ainsi que les découvertes récentes de montagnes enfouies ou encore d’un lac subglaciaire, permet d’avoir une meilleure compréhension de la façon dont s’est formée la calotte glaciaire Est-Antarctique, et dans quelle mesure elle s’est étendue et retirée en réponse aux climats passés. Des informations précieuses pour tenter de comprendre comment la calotte glaciaire pourrait réagir à l’avenir face au réchauffement climatique.
Lien vers l’étude : Jamieson, S.S.R., Ross, N., Paxman, G.J.G. et al. An ancient river landscape preserved beneath the East Antarctic Ice Sheet. Nat Commun 14, 6507 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-42152-2
Mirjana Binggeli, PolarJournal