Image : Michael Wenger
Les populations d’ours polaires du Groenland sont en recul depuis 20 000 ans, selon une étude publiée récemment qui révèle également qu’une légère augmentation de la température de la mer peut avoir d’importantes conséquences sur le roi de l’Arctique.
C’est un fait connu : les ours polaires sont menacés par le réchauffement de la mer et la fonte de la glace de mer. Par contre, ce que l’on savait moins est que même une légère augmentation de la température de la mer pouvait affecter considérablement le nombre d’ours polaires. Une découverte qui remet en question la capacité même des ours à survivre dans un environnement largement affecté par le changement climatique généré par les activités humaines.
Pour arriver à cette conclusion, les auteurs, qui ont publié leurs résultats dans Science Advances le 8 novembre dernier ont analysé l’ADN des ours, leurs choix alimentaires, ainsi que les données climatiques historiques et la quantité d’habitats disponibles depuis la fin de la dernière période glaciaire : « Grâce à nos analyses génomiques, nous pouvons ouvrir une fenêtre sur le passé et mieux comprendre le développement de l’espèce et l’histoire de sa population. Nos analyses ont révélé que le nombre d’ours polaires du Groenland a considérablement diminué à plusieurs reprises depuis la dernière période glaciaire », explique Eline Lorenzen, professeure et responsable de recherche auprès du Globe Institute de l’Université de Copenhague et co-auteure de l’étude, dans un communiqué de presse diffusé par l’université.
L’étude montre qu’au cours des 20 000 dernières années, la mer autour du Groenland a connu une augmentation de la température de 0,2 à 0,5 degrés à plusieurs reprises. A chaque fois, cela a entraîné une réduction de 20 à 40 pour cent de la population d’ours polaires.
Une surprise pour les chercheurs qui n’avaient pas imaginé qu’une augmentation relativement modeste puisse avoir des conséquences aussi importantes sur les ours. « Ce que nous envisageons à l’avenir, c’est, dans le pire des cas, une augmentation de 2 à 5 degrés de la température de la mer autour du Groenland. Il s’agit donc d’une multiplication par dix des changements de température par rapport aux 20 000 dernières années. », mentionne Pr Lorenzen.
Les auteurs soulignent toutefois l’adaptabilité des ours dans leurs choix alimentaires. Ces mammifères peuvent, en cas de besoin, rechercher une nourriture différente de celle à laquelle ils sont habitués.
Il semble en effet que les ours femelles et mâles de l’est du Groenland différencient leur choix alimentaire afin de ne pas se concurrencer. Alors que les mâles dévorent tout type de phoques, les femelles consomment des phoques annelés. Une stratégie qu’une espèce peut adopter lorsque les ressources sont rares : « Nous ne constatons pas cela dans l’ouest du Groenland, où tous les ours se nourrissent principalement de leurs proies préférées, les phoques annelés. En raison des courants océaniques, l’ouest du Groenland a une production primaire nettement plus élevée qu’à l’est, donc plus de nourriture est disponible pour les ours polaires et ils peuvent manger ce qu’ils veulent », explique Michael Westbury, professeur adjoint à l’Université de Copenhague et qui a co-dirigé cette étude interdisciplinaire, fruit du travail effectué par vingt chercheurs de pays différents durant six ans.
Si les conséquences du réchauffement climatique sur les ours polaires sont évidentes, les auteurs soulignent qu’il s’agit d’un symptôme de quelque chose de bien plus vaste.
L’ours polaire est un prédateur au sommet de la chaîne alimentaire et représente les écosystèmes arctiques. Les changements qui l’affectent nous montre que le monde est en train de changer et que ces changements ne s’arrêtent pas au Groenland ou à l’Arctique. «Cela nous concerne tous. La Terre est un vaste écosystème connecté, dont nous faisons également partie intégrante et dont nous sommes profondément dépendants. La nature ne connaît aucune frontière », souligne Pr Lorenzen.
Lien vers l’étude : Michael V. Westbury et al, « Impact of Holocene environmental change on the evolutionary ecology of an Artic top predator », Science Advances (2023). DOI: 10.1126/sciadv.adf3326
Mirjana Binggeli, PolarJournal
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