Javier Milei tranche dans sa vision des Malouines | Polarjournal
Javier Milei président de la Nation argentine et Victoria Villarruel vice-présidente de la Nation argentine depuis le 10 décembre 2023. Image : Sénat de la République argentine

La séquence politique qui a conduit Javier Milei à la tête de l’Argentine n’a pas été exempte de positions audacieuses. Parmi elles, une vision géopolitique des Falkland qui offre une voie plus importante aux habitants de l’archipel et privilégie la négociation à long terme par rapport à la confrontation avec les britanniques.

Hier, Javier Milei a été officiellement investi nouveau président de l’Argentine en prêtant serment à la patrie, et sur l’Évangile et la constitution de l’Argentine : « je le jure ». Cet accès au pouvoir a fait couler de l’encre. Notamment en termes de politique internationale, autour du différend historique entre le Royaume-Uni et l’Argentine concernant la souveraineté des Malouines – nom français désignant les Falkland, un archipel d’îles britanniques au large de l’Argentine.

Pendant sa campagne, Javier Milei est allé jusqu’à transgresser la ligne politique tenue jusque-là par les précédents présidents du rapport entre l’Argentine et les Malouines. Le souvenir de la guerre de 1982, qui dura trois mois, empreint de certains traumatismes, qui a coûté la vie à plus de 600 Argentins et plus de 200 Britanniques. Malgré la défaite de leur tentative d’invasion, la mémoire des héros de guerre ancre les Malouines dans le récit national argentin, et le définit comme un territoire perdu, à reconquérir. De son côté, le Royaume-Uni a institué depuis 40 ans 2,4 milliards de livres sterling pour des missions de surveillance autour de l’archipel.

Cependant, dès le mois d’avril de cette année, on pouvait lire dans El Cronista les paroles rapportées du candidat : « L’Argentine a commis toutes les erreurs nécessaires pour que la situation soit totalement embrouillée. […] Le pays n’a pas créé les conditions pour que les habitants des îles Malouines veuillent être argentins. […] Si vous voulez qu’elles fassent à nouveau partie de l’Argentine un jour, cela va impliquer une très, très longue négociation. Et l’Argentine devra être en mesure de proposer quelque chose d’intéressant. L’Argentine n’est pas un pays intéressant si ses propres citoyens quittent le pays. Vous voulez donc gâcher la vie des habitants des îles ? »

Javier Milei estime que la question des Malouines relève du droit international. Image : Julia Hager

Alors encore non favori dans les sondages, il a maintenu ce discours concernant les Malouines tout au long de sa campagne, battant l’opinion de ses concurrents, en citant parmi les personnalités politiques qui l’inspiraient Margaret Thatcher, alors 1ère ministre britannique pendant la guerre des Malouines. Il rejoint la vision de Thatcher unissant programme économique libéral et programme social d’austérité. Son discours attache peut-être plus d’importance aux intérêts économiques qu’au souvenir national.

Le Centre des anciens combattants des Malouines s’est insurgé à plusieurs reprises, comme dans Telam en novembre : « Milei se réfère à ceux qui, depuis 1833, ont illégalement usurpé une partie de notre territoire, et idolâtre Margaret Thatcher, responsable de la mort de 634 soldats et ennemie des Argentins. Les Argentins qui habitent cette terre aux ressources immenses sont-ils prêts à donner la possibilité, par le biais du vote universel, à ceux qui, avec de vieux schémas de colonisation politique et une culture de la reddition, font de l’Argentine un non-pays ? », a déclaré le Centre des anciens combattants des Malouines de La Plata.

Gustavo Melella, gouverneur de la province argentine de la Terre de Feu, n’a pas tardé à préciser que l’objectif de réappropriation des Malouines par le peuple argentin était inscrit dans la Constitution de 1994, dénonçant « l’immobilisme et la naïveté de plaire aux Britanniques en pensant qu’à un moment donné ils décideront de s’asseoir pour négocier la solution fondamentale au différend. »

Javier Milei a présenté le retour des Malouines en Argentine comme un long processus de négociation comparable à celui d’Hong Kong, redevenue chinoise en 1997. Ce qui n’a pas intéressé Rishi Sunak, le Premier ministre britannique, déclarant à la presse après une conversation téléphonique fin novembre avec Javier Milei : « Cette question est close et a été résolue il y a longtemps. » Cependant, Javier Milei et le ministre britannique des Affaires étrangères David Cameron se sont rejoints sur un point, lors de cet entretien : la musique et les Rolling Stones.

Camille Lin, PolarJournal

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