L’acidification de l’océan Austral pourrait doubler d’ici à la fin du siècle | Polarjournal
Comme tous les océans et mers du monde, l’océan Austral s’acidifie. En cause, les émissions de CO2 liée aux activités humaines. Une acidification qui pourrait toutefois connaître une ampleur dramatique d’ici à la fin du siècle. Image : Heiner Kubny

D’ici à 2100, l’acidité des eaux côtières de l’Antarctique pourrait doubler. Principalement due aux émissions de CO2, cette augmentation de l’acidité serait une menace pour les écosystèmes et la vie animale présents dans l’océan Austral.

Une équipe de chercheurs de l’Université du Colorado Boulder s’est penchée sur l’évolution du pH de l’océan Austral est les conclusions ne sont guère encourageantes. Les scientifiques se sont intéressés à cinq aires marines protégées existantes (mer de Ross et îles Orcades du Sud) et proposées (mer de Weddell, Antarctique oriental et péninsule Antarctique) des eaux côtières de l’océan Austral. Et leur constat est sans appel : sans une réduction drastique des émissions de CO2 le plus rapidement possible, l’acidité de l’océan Austral pourrait augmenter jusqu’à 100% d’ici à 2100 sur les 200 mètres supérieurs de l’océan, avec de graves répercussions sur la faune et les écosystèmes marins.

Toutefois, l’acidification pourrait ne pas se cantonner aux couches supérieures. Toute la colonne d’eau de l’océan Austral côtier, même le fond, pourrait subir une acidification sévère selon les auteurs de cette étude publiée le 4 janvier dernier. 

Le fonctionnement qui explique cette augmentation de l’acidité des océans tient au rôle que les océans jouent dans l’absorption du CO2. Près de 30% du CO2 est absorbé par les océans du monde. Comme l’eau froide absorbe plus de CO2 que l’eau chaude ou tempérée, l’océan Austral absorbe d’autant plus de CO2.

Du krill à la légine antarctique, en passant par les bivalves et les oursins de mer, plusieurs organismes sont directement menacés par l’acidification des eaux côtières de l’océan Austral. Sur la carte, en couleurs, les aires marines protégées. Carte : Nissen et al.

En absorbant le CO2, l’eau des océans devient plus acide à mesure que le gaz carbonique s’y dissout. Plus les activités humaines relâchent du CO2, plus les océans en absorberont, maintenant et augmentant le processus d’acidification. D’où, pour les auteurs de l’étude, une urgence à réduire drastiquement et rapidement nos émissions de gaz à effet de serre.

Mais en quoi l’acidification de l’océan Austral pourrait représenter une menace pour les écosystèmes et les animaux ? 

Lorsque l’eau s’acidifie, son pH diminue. Or, les organismes et les animaux marins sont adaptés pour vivre dans un environnement comportant, entre autres, un pH légèrement alcalin. En effet, avant l’ère industrielle, le pH moyen des océans se situaient autour de 8,29. Aujourd’hui, il se situe à 8,1. Selon les auteurs de l’étude, le pH pour l’océan Austral pourrait diminuer de 0,36 d’ici à 2100 dans les couches supérieures (200 mètres).

A la base de la chaîne alimentaire. Le phytoplancton est constitué de cyanobactéries et de microalgues. Il joue également un rôle essentiel dans la production d’oxygène nécessaire à la vie dans l’eau tout en fournissant les 2/3 de l’oxygène présent dans l’air. Image : NOAA MESA Project

Le phytoplancton pousse plus lentement et a tendance à disparaître avec l’acidification. Une eau plus acide a également un impact négatif sur les animaux marins à coquille et crustacés dont elle dissout le carbonate de calcium qui constitue les coquilles et carapaces.

Or, le phytoplancton est à la base de la chaîne alimentaire marine et les animaux à coquille comme les escargots de mer ou les oursins constituent une réserve alimentaire cruciale pour nombre d’espèces animales. Leur raréfaction ou leur disparition pourrait perturber fortement le sommet de la chaîne où on retrouve notamment des espèces telles que les baleines ou les manchots.

C’est en utilisant un modèle informatique simulant comment l’eau de mer de l’océan Austral changerait au cours du 21ème siècle que l’équipe a constaté qu’elle deviendrait plus acide d’ici à 2100. 

Pour éviter ce scénario, les auteurs estiment que le seul moyen est de réduire drastiquement et rapidement les émissions de CO2 et à augmenter le nombre d’aires marines protégées. « Compte tenu de la menace cumulative pour les écosystèmes marins par le changement environnemental et les activités telles que la pêche, nos conclusions appellent à de forts efforts d’atténuation des émissions et à d’autres stratégies de gestion pour réduire les pressions sur les écosystèmes, telles que la poursuite et l’expansion des AMP Antarctique. », déclarent les auteurs. Le scénario de réduction des gaz à effet de serre le plus important (ou à privilégier le scénario d’émissions les plus faibles) sera à privilégier. Dans le cas contraire, et si ces mesures venaient à intervenir tardivement ou ne serait pas suffisamment importantes, l’océan Austral s’acidifiera gravement.

Mirjana Binggeli, PolarJournal

Lien vers l’étude : Nissen, C., Lovenduski, N.S., Brooks, C.M. et al. Severe 21st-century ocean acidification in Antarctic Marine Protected Areas. Nat Commun 15, 259 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-023-44438-x

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