Un diplomate français contemporain, Olivier Poivre d’Arvor se projette en 2048, période où le Traité de l’Antarctique arrivera à expiration, où l’équilibre des forces fera pencher la balance vers l’exploitation minière ou le maintien de l’embargo, et où il est devenu possible de communiquer avec les oiseaux.
Dans la peau d’un « piaf », Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur français pour les pôles et l’océan, a livré en janvier dernier un roman d’anticipation imaginant le basculement de la destinée de l’Antarctique en 2048, après la « Grande Fonte » du Groenland. Deux sternes arctiques amoureuses vivant « deux étés par an » embarquent le lecteur dans leur migration vers l’hémisphère Sud à la fin de l’été boréal. Le couple doit se séparer pour emprunter des routes différentes avant de se rejoindre à un sommet international au pôle Sud et apporter leurs pépiements lucides parmi les voix représentant la société civile animale.
Quoi qu’il adviendra de la planète, cette dystopie dépeint un monde qui n’a pas échappé aux flammes, aux migrations et à la montée des eaux. La cupidité de l’être humain poursuit son travail « dans un monde qui nous quitte », formule l’écrivain diplomate au cours d’un entretien dans une librairie à Brest, en France. Dans le métier à tisser de cette sombre prospective pigmentée de pointes d’espoir, les fils des grands mythes et des grandes destinées, comme celle d’Alexandre le Grand, se mêlent au destin des personnages.
Dans cette fiction, les frontières entre l’être humain et les animaux s’estompent. Olivier Poivre d’Arvor, de passage à Brest confiait également : « j’ai eu envie de parler à la place des oiseaux », « ils sont entre 100 et 400 milliards », « leur vue est différente de la nôtre ». Il s’offre la place du narrateur, et s’imagine à la retraite à une époque où l’on peut communiquer avec les oiseaux et même se transformer en sterne. Sans que la métamorphose et ses procédés ne ralentissent l’avancée du récit, l’auteur le suspend par des apartés et s’adresse directement au lecteur exposant « sa décision unilatérale ». Il s’appuie sur les progrès techniques à venir et la capacité d’abstraction de ceux qui le lisent.
L’auteur traverse les frontières à l’aide de ses personnages et réunit de multiples univers souvent perçus comme parallèles. Il dépeint des solutions technologiques, des mouvements écologistes, s’aventure de part et d’autre des proclamations de souveraineté, relaye les rancœurs animales envers l’humanité, il passe de la rigueur scientifique à la rigueur littéraire, et de ses souvenirs d’ambassadeur à un regard de spectateur. Il soulève des questions mais brouille les pistes du parti pris. Sauf un, l’amour pour sa fille à qui le roman est peut-être dédié.
Le livre s’adresse, non sans humour, aux amateurs de politique, de science, de voyage, d’histoire ou de régions polaires. Il est littéralement hybride, écrit d’une plume accessible, alliant dans un clair obscur, sensible et informatif, réel et fabuleux. Il emprunte à la poésie du Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, à la liberté narrative de Moby-Dick et à l’efficacité captivante du Petit Prince.
Camille Lin, PolarJournal
Deux étés par an, Olivier Poivre d’Arvor, 24 janvier 2024, Edition Stock, 20,90 euros
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