En l’espace de dix ans, le sol du Groenland s’est, par endroit, élevé de 20 centimètres. En cause, le rebond post-glaciaire lié à la fonte rapide des masses de glace qui recouvrent le Groenland. Alors que l’élévation du niveau du sol est plus rapide que l’élévation du niveau des mers, le Groenland n’aura pas à s’inquiéter de subir des inondations. Par contre, il se trouvera confronté à d’autres défis.
Lorsqu’une importante masse de glace recouvre une masse terrestre, elle comprime cette dernière sous son poids. Si la glace fond, le sol, désormais débarrassé de la masse de glace, se soulève. C’est le rebond post-glaciaire, un phénomène également appelé ajustement isostatique. En soi, le fait que le Groenland soit en train de s’élever n’a rien de particulier. Depuis la dernière période glaciaire, qui s’est terminée il y a 12 000 ans, la terre continue de se soulever au Groenland et ailleurs.
Mais ce qui pose problème ici est la rapidité avec laquelle la masse terrestre s’élève au Groenland. Entre 2013 et 2023, le sol s’est en effet soulevé de 20 centimètres, soit l’équivalent de deux mètres en un siècle. C’est ce qui ressort d’une étude publiée dans Geophysical Research Letters, le 13 janvier dernier. La raison de ce soulèvement est lié au réchauffement climatique qui fait fondre calotte glaciaire et glaciers à la vitesse grand V. « Le soulèvement des terres que nous observons au Groenland ces années-ci ne peut pas s’expliquer uniquement par le développement naturel après la période glaciaire. Le Groenland connaît une croissance beaucoup plus importante. », mentionne Shfaqat Abbas Khan, professeur au DTU Space et co-auteur de l’étude, dans un communiqué de presse publié le 2 février dernier sur le site de DTU Space.
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont analysé les données récoltées par le GNET, un réseau de 61 stations de mesure situées le long des côtes du Groenland. Ce réseau appartient à l’Agence pour l’approvisionnement en données et l’infrastructure du ministère danois du Climat, de l’Énergie et des Services publics. Le réseau est exploité en coopération avec le DTU.
Dans le cas du Groenland, la situation est particulièrement évidente sur les côtes. Les glaciers fondent en effet plus vite que la calotte glaciaire. C’est notamment le cas pour le glacier Sermeq Kujalleq, près de la ville d’Ilulissat, et le glacier Kangerlussuaq, au sud-est du Groenland. Ce dernier a notamment perdu une masse importante de glace avec un recul de 10 km depuis le début du 20ème siècle.
Alors que le monde craint une augmentation du niveau de la mer liée à la fonte de la cryosphère, dont font partie les glaces qui recouvrent le Groenland, l’île n’aura semble-t-il guère à s’inquiéter des inondations. Son sol s’élève en effet plus vite que le niveau de la mer. Cependant, d’autres problèmes se poseront pour l’île.
Avec l’émergence de nouvelles terres, les cartes géographiques et maritimes seront à revoir. Ainsi que les infrastructures et les constructions qui devront tenir compte de cette donnée rebond : « Si, par exemple, il faut construire un nouveau port, il faut tenir compte du dénivelé du terrain. », déclarait récemment au média d’information scientifique danois, Videnskab.dk, Danjal Longfors Berg, doctorant auprès du DTU Space et auteur principal de l’étude. « Car cela n’aide pas qu’un bateau de pêche ne puisse plus accoster parce que le quai s’est élevé de deux mètres au cours des 100 dernières années. »
Mirjana Binggeli, PolarJournal
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